dimanche 27 octobre 2013

Une arme sans empreintes

Un suicide sans empreintes digitales sur l’arme est toujours éminemment suspect. C’est un peu ce qu’est venu dire hier matin le technicien de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) qui a examiné le revolver Ruger calibre 357 Magnum, les 5 munitions (dont 3 percutées) retrouvées dans le barillet ainsi que la valisette noire qui contenait l’arme. Et ses conclusions sont diablement troublantes…
Si on ne retrouve que « deux traces partielles, à l’intérieur de la poignée de la valisette qui contenait l’arme », elles ne correspondent « ni aux empreintes de Jean-Louis Muller ni à celles de son épouse ». Sur la valisette elle-même et le revolver ? Aucune empreinte digitale…
« Il y a sur ce 357 Magnum une fine pellicule de matière grasse. Du lubrifiant », détaille Jacques Peuziat. « Normal quand il s’agit d’une arme entretenue ». Interrogé par la présidente sur le rôle joué par cette huile sur le dépôt d’empreintes, l’expert répond que celles-ci peuvent « se diluer quand on saisit l’arme », fait également remarquer qu’en plus de l’absence d’empreintes exploitables, identifiables, il n’y a pas non plus « de dépôts aminés ». « Et, normalement, on devrait quand même en trouver ».
« Est-il plausible qu’en tenant cette arme à pleine main, on ne laisse aucune trace ? » questionne la présidente. « C’est en effet un peu bizarre, s’étonne l’expert. S’il s’agit d’un néophyte, on peut penser retrouver des traces, c’est-à-dire des dépôts aminés, voire des empreintes. Pour moi, la personne qui a manipulé le revolver portait des gants ou a essuyé l’arme ».
Pour Me Dupond-Moretti, l’arme, « sur laquelle on a trouvé des petits morceaux de matière organique », n’a pas été nettoyée. L’avocat général Jacques Santarelli lui rétorque qu’elle a pu l’être avant d’être jetée à terre.
Gros cumulus au-dessus du praticien alsacien. À la barre, son ancienne associée, qui sort la « Grosse Bertha ». « Il y a eu des problèmes d’argent, des dépenses inconsidérées. On avait décidé de prendre chacun une petite voiture, lui, il a pris un Toyota Rav 4 ! »

« Lui, il risque 20 ans ! »

Les deux associés, qui ne s’entendent plus, se séparent fin 1997. « Un jour, au cabinet, il est entré dans mon bureau avec un fusil. Il m’a insultée et menacée : “je vais te tuer !” ». La présidente fait remarquer que la plainte fait seulement état de « menaces de mort par parole » et que la déposition a été signée. « Oui, mais les gendarmes, vous savez comment ils sont, hein ? À Bouxwiller, ils étaient pour lui ! »
« Je vous raconte une anecdote », poursuit l’ancienne associée. « Jean-Louis Muller avait une cour commune avec sa sœur, qui avait un gros chien. Il en avait marre de ramasser les crottes. Brigitte Muller m’a dit qu’un jour, il est parti avec le chien et un fusil. Il n’y a plus jamais eu de chien… Quand quelque chose ne va pas dans sa vie, il le supprime. Madame Muller m’avait dit qu’elle ne s’entendait plus avec son mari, qu’elle voulait partir mais ne pouvait pas, à cause des prêts en cours. C’est impossible qu’elle se soit suicidée. Elle avait peur de tout, alors je la vois mal tenir une arme ! Quand j’ai su qu’elle était morte, j’ai immédiatement pensé que le docteur Muller avait tué sa femme ».
Tel un zébulon, Dupond-Moretti jaillit de son banc. « L’accusation se nourrit décidément de tout. Vous voulez que Muller soit un mauvais médecin ? Un mauvais associé ? OK, mais cela n’en fait pas un meurtrier. C’est ça, la preuve en matière pénale ? C’est là-dessus qu’on fonde une intime conviction ? »
L’avocat désigne du doigt son client dans le box. « Lui, il risque 20 ans ! »

 http://www.dna.fr/faits-divers/2013/10/25/une-arme-sans-empreintes

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