mercredi 20 novembre 2013

Assassinat de Valentin: la folie de Moitoiret divise les experts

Les experts-psychiatres entendus depuis mardi par les assises du Rhône, qui jugent en appel l'assassinat du petit Valentin en 2008 dans l'Ain, divergent sur le degré de lucidité du meurtrier présumé mais doutent de l'implication de son ex-compagne et coaccusée.
«Paraphrène» ou «schizophrène» ? «Parcelle de lucidité» ou marginal «fou comme une chèvre»? Deux jours de débats, souvent virulents, n'ont pas permis un accord sur l'état mental de Stéphane Moitoiret, 44 ans, quand il a poignardé cet enfant de 10 ans qu'il ne connaissait pas.
L'enjeu est pourtant décisif: si son discernement est «altéré», il peut être condamné. S'il est «aboli», il doit être déclaré irresponsable. En première instance fin 2011, devant les assises de l'Ain, il avait été condamné à la réclusion criminelle à la perpétuité.
Sur les dix experts psychiatres consultés pendant l'instruction, quatre penchaient pour l'abolition et six pour l'altération. Moins catégoriques devant la cour, deux des «altérationnistes» ont finalement refusé de se prononcer.
Le déni, signe de lucidité ?
Dans le camp de l'abolition, on souligne l'ancienneté de la schizophrénie de Moitoiret, «qui délirait depuis des décennies», selon Paul Bensussan. On s'attarde surtout sur son crime: un «acharnement inouï et absurde sur un enfant inconnu, qui porte la marque» d'une «décompensation psychotique», pour Daniel Zagury.
Côté altération, on diagnostique une «paraphrénie», délire qui préserve «une partie lucide», selon Daniel Settelen. Les experts s'appuient également sur les dénégations de Moitoiret, signe qu'il «mesure la gravité des faits», pour Agnès Peyramond.
«Un malade mental n'est pas décérébré. Un fou criminel sait qu'il a tué», a riposté le docteur Bensussan. Pour Patrick Blachère, le déni permet seulement à l'accusé «d'échapper à la honte et à la culpabilité», mais ne démontre pas sa lucidité.
Daniel Zagury, qui a notamment expertisé Guy Georges, Patrice Alègre et Michel Fourniret, a récusé l'idée même d'une «querelle d'experts», qui supposerait de les mettre sur le même plan. Pour lui, l'idée d'une folie partielle est une «erreur de diagnostic».
Les âpres discussions entourant Moitoiret contrastent avec la quasi-unanimité autour de son ex-compagne, Noëlla Hégo, 53 ans, renvoyée pour complicité d'assassinat.
«Sa Majesté Noëlla», sobriquet dont elle signait ses PV d'interrogatoire, est jugée paraphrène par la majorité, avec un délire «mystique et mégalomane» largement dévoilé à l'audience. Son discernement est considéré comme altéré, donc sa responsabilité ne fait pas débat.
'Pas de violence' chez Hégo
Le problème, la concernant, vient de la réalité même des charges. On lui reproche d'avoir poussé son compagnon au meurtre en inventant le concept «de retour en arrière», qui implique «la mort de quelqu'un».
«Le retour en arrière, c'est un terme, une phrase qui ne contient pas d'action. Il ne faut pas que nous - la cour, les policiers - nous délirions avec les gens», a balayé mardi Agnès Peyramond, invitant les jurés à «se pencher sur la réalité».
Pour elle, comme pour son confrère Serge Bornstein, Moitoiret a tué par «colère» parce que sa compagne voulait le quitter, alors que leurs «missions divines» sur les routes «remplissaient toute sa vie» depuis plus de vingt ans.
«Il m'arrive de me réveiller la nuit et de me demander de quoi Noëlla Hégo était coupable», a renchéri Daniel Zagury. «Il n'y a pas chez elle de violence, de dimension transgressive», et elle a longtemps «étayé» le «pauvre hère» qu'était Moitoiret, a-t-il estimé.
Noëlla Hégo, absente des lieux du crime et qui n'a fourni aucune aide matérielle, a été condamnée en première instance à 18 ans de réclusion criminelle. Sa défense plaide l'acquittement.

http://www.20minutes.fr/article/1252541/20131120-valentin-folie-moitoiret-divise-experts

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