vendredi 22 novembre 2013

Meurtre de Valentin : "Si vous décidez de condamner un fou, la justice sera devenue folle"

La cour d'assises d'appel du Rhône va rendre ce soir son verdict à l'encontre de Stéphane Moitoiret et de sa compagne Noëlla Hégo pour le meurtre en 2008 dans l'Ain du petit Valentin. Les jurés auront la lourde tâche de devoir trancher sur l'irresponsabilité pénale ou non du principal accusé.

Stéphane Moitoiret était-il fou ou conscient de son acte lorsqu'il a poignardé à 44 reprises Valentin, 10 ans, dans l'Ain en 2008 ? La cour d'assises d'appel du Rhône doit rendre son verdict en fin de journée. Comme en première instance, l'avocat général, Jean-Paul Gandolière, a requis jeudi 30 ans de réclusion criminelle contre Stéphane Moitoiret, et "16 à 18 ans" contre son ex-compagne Noëlla Hégo, accusée de l'avoir incité à tuer. "C'est dans cette relation spéciale d'emprise que vous trouverez l'explication", a asséné le magistrat. Selon lui, Noëlla Hégo était "l'ange noir" de Stéphane Moitoiret, "un baril de poudre criminel" dont elle a "allumé la mèche".
  
L'avocate de Noëlla Hégo, Roksana Naserzadeh, a plaidé l'acquittement, invitant les jurés à opérer "un tri massif entre fantasmes et vérités établies", tandis que les avocats de Moitoiret, qui ne contestent pas la culpabilité de leur client, ont plaidé en faveur de son irresponsabilité pénale. "Vous êtes les otages d'une vengeance judiciaire" mais "je vous conjure de ne pas confondre l'individu et le crime", a supplié Me Franck Berton, demandant à la cour de "répondre non" à la question de savoir si l'accusé était "conscient" quand il a porté 44 coups de couteau au garçonnet de 10 ans. "Libérez-vous de vos émotions, gardez raison et ne cédez pas à la tentation qu'il faut coûte que coûte juger les fous", car "on vous dit de suivre cette vengeance judiciaire qui fait fi de nos principes", a lancé Me Berton dans une plaidoirie rageuse. "Vous allez dire qu'il est coupable et non responsable et vous inscrirez une page de l'Histoire judiciaire malgré vous", a ajouté l'avocat. Mais "si vous décidez de condamner un fou (...) la justice sera devenue folle", a-t-il martelé, car "ce n'est pas l'horreur du crime qui conduit à une condamnation".
Débat autour de l'irresponsabilité pénale 
Cette audience en appel a tranché avec le premier procès tenu fin 2011 à Bourg-en-Bresse. Sous camisole chimique, Moitoiret et Hégo étaient restés mutiques et avaient été respectivement condamnés à la perpétuité et 18 ans de réclusion. A Lyon, avec un traitement allégé, les deux accusés se sont exprimés abondamment, plongeant les jurés dans leur univers fait de "clones", de "boîtes à voeux", de réincarnations et de "missions divines". Or leur état mental est au centre des débats: pour la défense de Moitoiret, qui plaide la folie, comme pour celle de Hégo, qui estime qu'on fait passer des "propos délirants" pour un aveu de complicité.
  
L'ADN accable Moitoiret, marginal de 44 ans dont le sang a été retrouvé mêlé à celui de Valentin, mort dans une rue de Lagnieu (Ain), le 29 juillet 2008. Quatre experts évoquent une "abolition" du discernement, synonyme d'irresponsabilité, et six parlent d'"altération", qui permet une condamnation - moins catégoriques à l'audience, deux ont finalement refusé de se prononcer. Les "abolitionnistes" rappellent que Moitoiret délire "depuis des  décennies", ce qu'a attesté l'enquête, et estiment que les 44 coups de couteau  donnés à un enfant inconnu signent, par leur sauvagerie et leur absurdité, la folie de l'accusé. Mais pour leurs adversaires, le marginal a conservé une "once de lucidité", suffisante pour cacher couteau et vêtements, et a tué Valentin par "colère" parce que Noëlla Hégo, qui représentait "toute sa vie" depuis 20 ans, voulait le quitter.  Quant à Noëlla Hégo, 53 ans, tous les experts la jugent responsable de ses actes malgré un "délire" mystique largement dévoilé à l'audience. Mais ils se sont montrés très sceptiques sur son implication.
 

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