mercredi 11 décembre 2013

Assises de la Charente : sur la piste de l'épouse disparue

Pas un petit caillou blanc semé en chemin. Compte bancaire, facture téléphonique, remboursement de Sécu : plus jamais Karima Benhellal, à l’époque domiciliée à Soyaux, n’a donné signe de vie depuis un voyage au Maroc en juillet 2005. « Elle n’a pas pu trouver refuge dans sa famille, ses frères en auraient été nécessairement avisés », observe au micro le capitaine Stéphane Chouin, du SRPJ de Limoges. Deuxième jour, mardi, du procès d’assises de Karbal Dandouni, jugé pour l’assassinat de son ex-femme, crime dont il se dit innocent.
Sobre, limpide, sans note au fil d’un exposé long d’une heure et demie, le capitaine Chouin remonte la trace de Karima Benhellal. Saisis deux ans après la disparition de l’intéressée, les enquêteurs ont une marge de manœuvre limitée : impossible de s’appuyer sur des relevés d’appels téléphoniques toujours instructifs ou encore de mettre la main sur la R21 qui a servi au voyage. Propriété de la disparue entre-temps cédée par Karbal Dandouni, elle a été réduite en pièces détachées…

  • Hôpitaux psychiatriques
Trois photos de Karima et une empreinte digitale sous le bras, le capitaine de police se rend au Maroc, épluche les registres des hôpitaux et des morgues de « la région de Casablanca ». « Notamment l’hôpital psychiatrique de Berrechid, présenté comme étant le lieu où elle était internée de force », selon les dires d’un témoin. En vain. Pas un indice glané sur place.
Restent les conditions d’un départ précipité au Maroc avec Karbal Dandouni, l’arrivée de celui-ci au domicile parental, à Casablanca, seul, « de nuit, en toute discrétion, sans appel préalable », relève le capitaine Chouin. Versés aussi au passif de l’accusé, les retraits sur le compte bancaire de la disparue, soit 875 euros, jusqu’au 4 août. Et puis plus rien, découvert oblige. « Curiosité », se permet l’enquêteur: le jour même, Karbal Dandouni retire à nouveau de l’argent sur son propre compte.
Il y a aussi, pièce maîtresse de l’accusation, la fiche de passage transfrontière établie au nom de Karima Benhellal lors du voyage retour, à Tanger, le 24 août. « A son étude, nous avons remarqué que certaines rubriques étaient curieusement remplies », relève le capitaine Chouin. « Secriteuse », peut-on notamment y lire, pour secrétaire : « un français approximatif » qui ne colle guère au profil de l’intéressée, aide-documentaliste au lycée angoumoisin Guez-de-Balzac. Le capitaine Chouin poursuit, de tête, expertises graphologiques à l’appui : « La ligne 1 à 7 est écrite par Karbal Dandouni, la ligne 8 à 14 par Rabia », notoire seconde épouse. Ainsi Karbal Dandouni aurait-il interverti ses deux femmes au retour, profitant d’un passeport falsifié ou, a minima, d’un instant d’inattention des douaniers marocains.
  • « Légèreté » des douaniers
Plusieurs proches, notamment présents dans une seconde voiture, ont reconnu en cours d’instruction que Rabia et son jeune fils à bord. Karbal Dandouni persistant à le nier avec vigueur, ses avocats Mes Zouhir Beaiz et Rachid Rahmani brocardent une entreprise aussi risquée, s’étonnant volontiers de la « légèreté » prêtée aux contrôles à la frontière. « Pensez-vous que les milliers de Marocains prendraient le risque de monter sur des bateaux de fortune ? », interroge Me Beaiz.
Interrogée dans la matinée, Rachel, 31 ans, prompt à louer un Karbal Dandouni « agréable, très gentil », avec lequel elle a entretenu une liaison pendant « onze ans », n’en lézarde pas moins l’édifice de la défense. Domicilié au rez-de-chaussée d’un immeuble du Champ-de-Manoeuvre, Karbal Dandouni était le voisin de la mère de Rachel. Celle-ci est tombée sur lui à son retour de voyage : « Dans la voiture, il y avait monsieur Dandouni, sa femme actuelle, et un enfant ». Priée de préciser les circonstances de la scène, elle assure : « Il était parti au Maroc et revenait du Maroc. »
http://www.sudouest.fr/2013/12/11/dans-les-morgues-de-casa-1255925-823.php

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