mercredi 18 décembre 2013

Assises de Saintes : accusé du meurtre de sa compagne, il revient sur ses dépositions

Salah Chitour, dit Tony - sa mère italienne l’appelait ainsi - s’avère incapable de suivre une pensée linéaire. Un expert psychologue l’a confirmé, mardi, au cours de la première journée d’audience à la cour d’assises de Saintes. Dès les premiers mots, cet homme de 65 ans, aux longs cheveux blancs, palabre. Il se perd dans des détails étonnamment clairs. Mais, comme le déclare le président, Claude Pascot, il « ne répond pas à la question ».
Le Kabyle est accusé du meurtre de sa compagne, le 30 décembre 2009, à Saint-Savinien. L’arme du crime s’est avérée être son fusil de chasse, acheté à un ami de sa fille pour « protéger sa famille », le double-canon et la crosse sciés par ses soins.
La victime a reçu un coup fatal sous l’aisselle gauche, donné à bout portant comme l’ont rappelé le médecin légiste et l’expert en balistique. Le plomb est entré directement dans la plaie sans se disperser.
Le soir du drame, Salah Chitour a avoué avoir tué sa concubine, avant de se rétracter. Depuis, plusieurs versions sont apparues. Celle, d’abord, d’un tir accidentel, puis une autre narrant la découverte de sa femme déjà ensanglantée sur le lit. Mais des traces de poudre ont été retrouvées sur les mains de l’accusé.
Et puis, cette nouvelle version, mardi au tribunal de Saintes. Le retraité raconte avoir dîné avec sa fille, sa petite-fille et sa femme ce fameux soir. L’enfant endormie et sa fille couchée à l’étage - elle avait pris des médicaments pour dormir -, il aurait eu « un trou noir ». Il s’est alors retrouvé devant la porte d’entrée de la maison, habillé comme s’il en était sorti, sa petite-fille endormie sur le canapé. « La porte de la chambre était ouverte, j’ai vu ma femme allongée sur le lit à ma place , elle était pleine de sang. Je suis sorti appeler les gendarmes. »
« C’est la première fois que j’entends cette version », a souligné Claude Pascot. La digression, Salah Chitour va en user toute la journée, rappelé à l’ordre plusieurs fois par le président.
Le passé de Salah Chitour est complexe. Son casier judiciaire porte trace de nombreuses condamnations pour conduite sous l’empire de l’alcool et une peine de réclusion de 10 ans, en 2010, pour vol avec arme.
Né en Algérie, il est arrivé en France à 13 ans. Il dit avoir subi un travail forcé avant d’être pris en charge par l’assistance publique. Un sentiment d’injustice a grandi en lui, celui de ne pas être reconnu. Il rencontre une première femme. Une petite fille naît. Il ne la reconnaît pas. Vient ensuite la liaison avec la victime. Durable. Deux fils et une fille voient le jour.
Le père de famille perd tout en l’espace de deux ans avec les décès de ses deux fils. L’un d’une tumeur en 2006, l’autre d’un accident de la route en 2007. Il a depuis longtemps des problèmes avec l’alcool. Le soir du meurtre, il présentait un taux de 2,14 g d'alcool par litre de sang. Le psychologue l’a présenté comme « une prise de médicaments afin de soulager sa dépression ».
À la barre, sa fille va dresser un sombre tableau fait de violences répétées et d’insultes envers elle-même et sa mère. « Nous vivions dans la crainte. »
La semaine précédant le drame, la jeune maman avait atterri avec sa petite fille chez ses parents car elle n’avait « aucun endroit où aller ». Des semaines avant, elle avait caché sa mère dans un camping de Vaux-sur-Mer après une violente dispute avec Salah Chitour. Une énième. Il les a retrouvées. « Elle y retournait toujours, elle ne voulait pas porter plainte et avait peur. » Une tante dira qu’elle « l’avait dans la peau ». D’autres personnes témoignent des nombreux coups subis par la victime de la part de son compagnon.

http://www.sudouest.fr/2013/12/18/les-digressions-du-meurtrier-presume-1405132-1593.php

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