samedi 22 février 2014

Marseille : "Monsieur le juge, s'il y a mes empreintes c'est moi, sinon c'est pas moi"

Elle a pris sur son temps de travail pour venir à l'audience. L'an dernier, elle avait subi le cambriolage de son petit studio. Les bijoux de sa mère décédée il y a onze ans lui avaient été dérobés. "Je voulais juste voir ce jeune homme, lui dire que j'ai dû dormir la porte de mon appartement ouverte, que pour moi, ces bijoux étaient associés à des joies, des sourires de la mère". La jeune femme voulait aussi dire à son cambrioleur qu'il y a toujours d'autre choix que de voler : "Il y a le RSA, il y a des assistantes sociales..." Témoignage habituel de victimes pour lesquelles le cambriolage est bien plus qu'un élément statistique.
"Ici, ce n'est pas chef"
Le propos a-t-il été entendu par Alvin Samba, jeune homme de vingt ans jugé pour une dizaine de cambriolages. Autant d'appartements fracturés, mis sens dessus dessous pour dérober bijoux, ordinateurs... Il avait laissé ses empreintes sur une boîte de navettes, un bocal en verre, une feuille de Sopalin. "J'étais plein de coke, je faisais n'importe quoi." Face au président Mohamed Mahouachi qui examine chacun des vols, le jeune homme veut accélérer. "Écoutez Monsieur le juge, s'il y a des empreintes, c'est moi, s'il n'y a pas d'empreintes, ce n'est pas moi. Je ne me rappelle de rien, chef..." - "Ici, ce n'est pas chef, c'est M. le président".
Durant l'enquête, Alvin Samba s'était montré moins conciliant. À propos de son ADN retrouvé sur un mégot de cigarette, il contestait : "Ce n'est pas moi, je ne fume pas de Marlboro". Abandonné par ses parents à l'âge de treize ans, en errance depuis quelque temps, le jeune homme dit en "avoir marre" : "J'y arrive plus, Monsieur le juge, j'ai pas de famille, j'ai pas d'amis, j'ai pas de sous". Il regrette que les juges ne soient pas à sa place : "Vous ne pouvez pas comprendre" - "Vous faisiez quoi de ces objets volés ?" - "Je payais l'hôtel, je mangeais" - "Pourquoi vous ne travaillez pas ?" - "Je vais travailler pour 25 euros ! ? Si je vole, c'est que j'ai rien trouvé de mieux".
"Trois ans pour des vols comme ça !"
La procureure Sandrine Royant corrige l'usage du fruit des vols : l'achat de cocaïne et de cannabis pour 40 € par jour. Elle requiert trois ans de prison, étayant sa sévérité : "Les cambriolages pourrissent la vie des Français, cela pollue et participe au sentiment d'insécurité". Et en réponse à la détresse alléguée du jeune prévenu : "Il y a des organismes, des associations qui aident les personnes en difficulté". Un système qui "n'a pas sauvé Alvin Samba", corrige son avocate Me Stéphanie Esquer. Elle égrène les obstacles que doit affronter son jeune client : l'abandon au seuil de l'adolescence, la maladie mentale et les années de prison qui se profilent. "J'ai sept cambriolages qui m'attendent à Toulouse", soupire le jeune homme qui peste lorsque tombe sa condamnation à trois ans de prison. "Trois ans de prison pour des vols comme ça !"

http://www.laprovence.com/article/actualites/2763522/marseille-monsieur-le-juge-sil-y-a-mes-empreintes-cest-moi-sinon-cest-pas-moi.html

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