dimanche 30 mars 2014

Double meurtre de Montigny-les-Metz : une odyssée judiciaire de 27 ans

La plus grosse, scellé N°4, pèse très exactement 5,827 kilos. Les deux autres, scellés N°3 et N°7, pèsent 330 grammes et 1,738 kg. Ces trois pierres ont servi, le dimanche 28 septembre 1986, à défoncer le crâne de deux gosses. Alexandre Beckrich et Cyril Beining, 8 ans, ont été retrouvés morts ce jour-là, en début de soirée, rue Venizelos, à Montigny-lès-Metz, sur un talus SNCF. Un crime d’une violence inouïe. Depuis, c’est le mystère, aussi épais que les eaux noires de la Vologne.
Jugé à Metz à partir de demain pour ce double meurtre, Francis Heaulme, 55 ans, les joues creusées par son vagabondage meurtrier, a davantage de chance que Patrick Dils : il aura droit, lui, à quatre semaines de procès. La justice, qui a astiqué l’argenterie et mis les petits plats dans les grands (11 experts, 87 témoins !), aurait-elle donc à se faire pardonner un quelconque naufrage judiciaire ? Peut-être.
En 1989, après une enquête qui aura vu, en quelques mois, pas moins de trois personnes avouer avoir tué les enfants, et une instruction sur laquelle la cour d’assises ne manquera certainement pas de revenir, Patrick Dils, un apprenti-cuisinier interpellé à l’âge de 16 ans, sur la foi d’un seul et unique témoignage, a pris perpétuité au terme de seulement trois petits jours de procès, devenant ainsi le plus jeune condamné d’Europe à cette peine.
Dils est passé aux aveux, renouvelés à plusieurs reprises. L’avocat général François-Louis Coste, à Lyon, en 2002, avait parlé d’« aveux d’une précision effrayante, si dévastateurs qu’ils ont emporté la conviction de tous ». Dils a aussi désigné, dans l’intimité du bureau de la juge d’instruction Maubert-Loeffel (qui, étrangement, n’est pas appelée à témoigner), ces trois pierres avec lesquelles les enfants ont été massacrés. Certaines parties civiles (voir par ailleurs) en sont encore troublées.
« Parce que Heaulme est passé par là, alors c’est lui ? »
Reste qu’alors qu’il croupissait depuis 14 ans derrière les barreaux, la justice, en avril 2001, a annulé la condamnation du jeune Messin. Pourquoi ? En 1992, entendu par Jean-François Abgrall dans le cadre du meurtre d’Aline Perez, à Brest, Francis Heaulme a évoqué son passage à Montigny-lès-Metz le jour des meurtres. « Il parle d’une promenade à vélo, le long d’une voie de chemin de fer, dans l’Est », explique le gendarme. « Deux enfants lui jettent des pierres. Il dit qu’il est passé, qu’il est revenu et a vu les corps, près de wagons, ainsi que des pompiers et des policiers ».
Condamné une nouvelle fois à Reims, en 2001 (25 ans), Patrick Dils est définitivement acquitté l’année suivante, en avril, à Lyon. La gendarmerie parle alors de « quasi-signature criminelle » de Francis Heaulme. L’enquête s’accélère-t-elle pour autant ? Non. Il faudra en effet patienter jusqu’en septembre 2004 pour que le parquet de Metz, étonnamment frileux, ouvre une information ! Et, encore, « contre X », pas contre Heaulme…
Interrogé à de multiples reprises, le tueur en série a souvent reconnu se trouver sur les lieux, ce 28 septembre 1986. Le 9 juin 2006, dans le bureau du juge Montfort qui vient de le mettre en examen, le « Routard du crime » lâche cette phrase : « Parce que Heaulme est passé par là, alors c’est lui ? ». Il bénéficiera d’un non-lieu un an plus tard.
L’affaire est-elle alors définitivement enterrée ? Non. L’abnégation de Gabrielle Beining est proportionnelle à l’indicible douleur provoquée par la perte de son enfant. Épuisée mais portée à bout de bras par Me  Boh-Petit, son avocate, la mère de Cyril fait appel.
Ce quatrième procès est donc quelque part un peu le sien. Il y a tout juste un an, après deux interminables suppléments d’information, la chambre de l’instruction a en effet renvoyé Heaulme aux assises.

Confidences à des codétenus

Pour les magistrats, il existe suffisamment de charges : sa présence sur les lieux du crime, donc, mais aussi ses confidences à des codétenus (l’un d’entre eux affirme posséder un écrit), des similitudes avec d’autres affaires pour lesquelles il a été condamné, comme le déshabillage quasi-systématique des victimes, ou encore la transposition de détails du dossier de Montigny-lès-Metz dans le meurtre de Joris Viville.
Cette tragique affaire, dans laquelle il n’y a plus de scellés et où sont intervenus ces derniers jours plusieurs « rebondissements » (mise en cause d’Henri Leclaire par un cheminot, authentification de l’écriture d’Heaulme sur une lettre anonyme adressée à la police quelques jours après le meurtre), va-t-elle, plus de 27 ans après les faits, connaître son épilogue ?
Le programme définitif du déroulement de l'audience
Toute l'actu et les archives sur le double meurtre de Montigny-les-Metz

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2014/03/30/une-odyssee-judiciaire-de-27-ans

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