mercredi 26 mars 2014

Les jurés confrontés à l’énigme Marcel Guillot, meurtrier présumé de 93 ans

ACTUALISATION A 11 H 30 : l'accusé de 93 ans raconte sa vie
Depuis l'ouverture de l'audience, l'accusé est invité à revenir sur sa vie et sur les événements de la nuit du 6 au 7 décembre 2011 àSaint-Gilles. Souffrant de surdité, Marcel Guillot ne s'exprime pas depuis le box des accusés mais à la barre, devant le président du tribunal. Interrogé sur les faits qui ont conduit au décès de Nicole Eldib, il lâche maladroitement "ben c'était quand même de sa faute à Nicole..." Questionné sur les sentiments qu'il éprouvait pour elle, Marcel Guillot reconnaît du bout des lèvres "un petit béguin", sous entendant qu'à son âge on ne pouvait guère envisager mieux.
 
 
Une audience peu commune s’ouvre ce matin au palais de justice de Reims. Celle d’un homme, Marcel Guillot, âgé de 93 ans, plus vieux détenu du pays, au crépuscule d’une vie « remarquablement ordinaire », selon l’expression de son avocat Me Delmas, et qui, depuis désormais près de deux ans, était placé en détention provisoire à la prison de Châlons-en-Champagne (voir par ailleurs). Aucun antécédent judiciaire pour celui qui se retrouve aujourd’hui accusé d’« homicide volontaire sur personne vulnérable », passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Retour sur un fait divers macabre dont différents éléments ont contribué à en faire un dossier hors normes.
Le 7 décembre 2011, à Saint-Gilles, bourgade de 270 habitants, près de Fismes. Dans la matinée, le gardien de la ferme Les petites Chézelles, composée de 27 pièces et située à l’écart du village sur un domaine bucolique d’environ 1 000 m2, s’inquiète de voir les volets encore fermés. Il casse un carreau et rentre. Découvre le sol ensanglanté. Suit les traces et finit par trouver, dans le ruisseau qui serpente le terrain, le corps sans vie et partiellement immergé de la propriétaire du domaine : Nicole Eldib, 82 ans. Mâchoire cassée, bras fracturé, traumatismes crâniens et pluie d’hématomes : avant de mourir, la victime, décédée par strangulation, a vécu un calvaire. Début de l’enquête.
Puisque rien ne manque dans la maison, l’hypothèse du cambriolage qui aurait mal tourné est vite écartée. Reste alors l’idée du règlement de comptes, étayée par la violence du crime. Mais Nicole Eldib ne semblait pas avoir d’ennemi. Quelques mois plus tôt, son mari, souffrant de la maladie d’Alzheimer, avait été admis à l’hôpital. Jusqu’à cette séparation forcée, le couple coulait des jours heureux sur ce lieu boisé, comportant piscine, court de tennis et potager, qu’il s’était acharné à restaurer en vue de leurs vieux jours. Surnommée « la châtelaine » par les villageois, Nicole Eldib, dont le train de vie n’avait rien d’ostentatoire, apparaissait comme une retraitée coquette et dynamique. Les enquêteurs du SRPJ de Reims, aidés par les gendarmes, demeurent perplexes : le meurtrier n’a pas pris soin de dissimuler le corps de sa victime ; cette nuit-là, le chien de la ferme n’a pas aboyé et l’alarme ne s’est pas déclenchée. Le gardien des petites Chézelles, puis certains de ses proches, et enfin d’autres habitants du secteur ayant des antécédents judiciaires sont tour à tour placés en garde à vue. En vain. Des dizaines d’auditions se succèdent. Plus d’une centaine de tests ADN sont effectués. Des lettres anonymes de délation contribuent également à parasiter les investigations. Les mois passent. Le mystère reste intact.
Un indice et la science permettent de lever le brouillard. Dès le 7 décembre, une montre d’homme a été retrouvée dans la chambre de la victime. Sur le bracelet désolidarisé de l’objet, quelques gouttes de sang ont été longuement analysées. Elles contiennent deux séquences ADN : celle de Nicole Eldib et une seconde, d’origine encore inconnue. Avant le meurtre, il y eut donc une lutte.

Trente heures de garde à vue

Comparée à des centaines d’empreintes génétiques, cette dernière finit par se révéler positive avec celle d’un homme de 91 ans : Marcel Guillot, un ami de la victime domicilié à Bobigny, brièvement auditionné au début de l’enquête et perçu alors comme un vieillard affable et inoffensif. Le 22 mai 2012, au petit matin, le suspect, ancien agent hospitalier, est interpellé sur son lieu de vacances habituel : un camping sur l’île d’Oléron. Depuis des années, celui qui est surnommé Papy Marcel y installe sa caravane à l’emplacement nº 70. Ce jour-là, les gendarmes arrivent en hélicoptère et embarquent Marcel Guillot. Son appartement à Bobigny est perquisitionné. Puis le retraité est placé en garde à vue. Dans un premier temps, il nie.
Mais les éléments à charge sont trop nombreux : outre son ADN retrouvé sur la montre, des traces de sang de la victime sont identifiées dans sa R25 ; enfin, sur une photo datée d’un précédent été le montrant en train de jouer à la pétanque au camping d’Oléron, Papy Marcel porte une montre qui ressemble en tout point avec celle étudiée par les enquêteurs. À l’issue des trente heures de garde à vue, Marcel Guillot reconnaît avoir tué Nicole Eldib. À 91 ans, il s’en va passer sa première nuit derrière les barreaux, à la prison de Châlons-en-Champagne. Des aveux, un ADN qui le désigne : dans ce dossier, la présomption d’innocence est réduite à sa portion théorique. 
Ce mercredi, après avoir entendu l'accusé, la cour d'assises écoutera le témoignage des enquêteurs. Jeudi, ce sont les experts de personnalité, psychologues et psychiatres, qui se présenteront devant le tribunal.
http://www.lunion.presse.fr/region/les-jures-confrontes-a-l-enigme-marcel-guillot-ia3b24n321964

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