dimanche 25 mai 2014

Meurtre d'un patron haïtien: Duclona condamné à 25 ans de réclusion

La cour d'assises de Paris a condamné vendredi Amaral Duclona, un chef de gang haïtien, à 25 ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté des deux-tiers, pour l'enlèvement, la séquestration et le meurtre d'un chef d'entreprise, Claude Bernard Lauture, en 2004 à Port-au-Prince.
Les jurés sont allés au-delà des réquisitions de l'avocat général, Philippe Courroye, qui avait requis une peine de 25 ans, sans peine de sûreté.
La veuve de la victime, Marie-Louise Michelle, a exprimé sa satisfaction après l'énoncé du verdict tout en regrettant l'absence de mise en cause de l'ex-président d'Haïti, Jean-Bertrand Aristide.
"Votre verdict devra avoir une portée exceptionnelle", avait lancé l'avocat général aux jurés à l'issue de deux heures de réquisitions.
"Il devra sanctionner la dangerosité de cet homme, chef de gang sanguinaire. Et, par-delà les frontières et les océans, adresser un message fort à tous ceux qui méprisent la vie, leur dire que tôt ou tard, arrive l'heure de la justice et qu'ils devront répondre de leurs actes".
C'est la première fois qu'un chef de gang haïtien était poursuivi devant une cour de justice, avait confié à l'AFP l'ancien ambassadeur de France en Haïti, Thierry Burkard.
La défense d'Amaral Duclona avait plaidé l'acquittement en mettant en avant les manquements et faiblesses de l'enquête de la police haïtienne qui a servi de base à l'instruction française et l'absence de témoins clefs haïtiens qui n'ont pas répondu à la convocation de la cour d'assises.
Pour Philippe Courroye au contraire, le dossier a apporté "des preuves accablantes et irréfutables" prouvant l'implication d'Amaral Duclona dans l'enlèvement, la séquestration et la mort du patron franco-haïtien. Selon le magistrat, il ne fait pas non plus de doute que "l'ombre du pouvoir de l'ancien président Aristide plane sur cet enlèvement, le gang de Duclona étant son bras armé".

-'le mobile politique est évident'-

A l'audience, Marie-Louise Michelle, la veuve de la victime, avait dit sa conviction que l'enlèvement de son mari qui venait de rejoindre "le groupe des 184" opposé au régime d'Aristide, avait été "télécommandé" par l'ancien président et "exécuté par Duclona".
"Le mobile politique est évident", a abondé l'avocat général en soulignant l'absence de négociation sur la rançon réclamée par les ravisseurs. "Quand on a enlevé Claude Bernard Lauture, on savait déjà qu'il ne retrouverait pas sa famille", a-t-il estimé.
Claude Bernard Lauture avait été enlevé le 6 janvier 2004, alors qu'il circulait en voiture, par trois hommes armés qui avaient bloqué son véhicule. Quelques heures plus tard, il téléphonait à son frère et lui expliquait sous la menace qu'il ne serait relâché qu'en échange d'une rançon de 100.000 dollars versée par "Gladys", une riche tante, membre de l'entourage du président Aristide.
Il prononçait aussi le mot "canapé vert" qui correspond à un commissariat de Cité Soleil, le plus grand bidonville d'Haïti, fief des gangs de Chimères, activistes armés se réclamant d'Aristide. Le lendemain, son corps, criblé de balles, était retrouvé dans ce quartier.
Selon son épouse, un adolescent enlevé et placé dans la même cellule que son mari de ce commissariat aurait confié avoir entendu la conversation téléphonique sur la rançon entre la victime et son frère suivie, peu de temps après, par plusieurs coups de feu. "La rançon représentait un signal adressée à la famille Lauture pour qu'elle rentre dans le rang", a estimé Philippe Courroye.
Un téléphone portable perdu sur place par l'un des ravisseurs a permis aux enquêteurs français de remonter jusqu'à Amaral Duclona. Selon l'accusation, l'appareil appartenait à Junior Charles, présenté comme le lieutenant de Duclona qui sera tué par la suite dans une fusillade.
Le jour des faits, ce téléphone avait été appelé à 21 reprises par une ligne attribuée à Duclona à partir de laquelle la demande de rançon a également été formulée. Un autre numéro appelé correspond à un homme présenté comme chargé de la sécurité du président Aristide.

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