samedi 24 mai 2014

Affaire Bamberski : comment juger «le devoir» d'un père ?

Morale ou justice, morale et justice. Derrière les acteurs de l'opération «transport», l'enlèvement du docteur Krombach sur les rives du lac de Constance un soir d'octobre 2009 au sud de l'Allemagne, se joue le drame d'André Bamberski, 76 ans aujourd'hui et presque 32 ans à traquer le meurtrier de sa fille Kalinka. Un père tellement habité, hanté même, par la promesse de justice faite à sa fille qu'il en perd parfois toute mesure, même quand Dieter Krombach dort depuis plus de quatre ans en prison.
Que la présentation à la justice française de ce docteur peu recommandable se soit finalement organisée via une équipe qui tient davantage des Pieds nickelés que des commandos de la DGSE ajoute une touche de romantisme, ou de doute, selon l'angle pris pour étudier à l'affaire. Forcément les conseils du docteur Krombach, absent de Mulhouse sous excuse de maladie, y voient une organisation machiavélique. «Quand on est juste, on n'a pas les mains sales. Et vous avez les mains sales», lance Me Ohayon aux prévenus même s'il accorde à André Bamberski des circonstances «atténuantes». Pour autant, son confrère Me Levano réclame de nouvelles investigations au tribunal pour démontrer «l'organisation» forcément criminelle de l'affaire.
Le procureur Hervé Robin chemine, lui, sur un équilibre fragile. Il défend d'abord la Justice française : «Dire qu'elle n'a rien fait n'est pas vrai. Les Allemands ne voulaient pas livrer Krombach. On n'allait pas placer les tanks à la frontière et les commandos en Allemagne !» Le magistrat admet aussi que dans ce dossier, «comme rarement», tout se mélange : «Morale, justice, sentiment… Mon seul problème reste les lois de la République et les quatre prévenus.» Et s'il comprend l'action, «les lois ne peuvent l'accepter». Ses réquisitions sont douces : trois mois avec sursis contre Adelheid Rinke, six mois avec sursis pour Bamberski, un an ferme contre Krasniqi et Bablovani, les hommes de main.
Cela ne fragilise pas la défense. Me Demir et Me Roth, excellente, torpillent le dossier et l'instruction pour réduire à presque rien les charges contre Adelheid Rinke, la journaliste relais entre Bamberski et ses hommes de main ou contre Kacha Bablovani, un des exécutants. «Rien n'est organisé. Où pouvez-vous trouver association de malfaiteurs ?», s'étonne Me Roth. Me Civallero ironise sur «cette association de bienfaiteurs» et défend Anton Krasniqi «l'homme de courage qui assume, tout». «Le droit est peut-être pour vous, dit-il aux avocats à la partie civile. Mais la morale est pour nous.» Me De Caunes développe et défend André Bamberski, ses excès, son combat. «Il fallait faire. Un devoir», prévient l'avocat. Seulement il insiste : «Bamberski n'est jamais dans la vengeance. Lui, le ravisseur scélérat, la première chose qu'il fait quand Krombach est à Mulhouse, c'est de prévenir la police». La plaidoirie est complète. Rien n'est négligé, tout est défendu sur le fond, et la forme. Ce qui ouvre une possible relaxe. Réponse le 18 juin.

Bamberski, Monsieur toujours plus

«Vous n'êtes pas toujours le meilleur avocat de vous-même», prévient la présidente Françoise Bardoux. Seulement quand il s'agit de Kalinka et de son combat, André Bamberski n'entend pas grand-chose. Et à l'issue de la remarquée plaidoirie de Me Laurent De Caunes, il n'a pu éviter de reprendre la parole. Pour pleurer avec émotion sur son enfant, pour détailler son incroyable lutte contre Krombach avant de s'égarer dans des détails sans intérêt et, forcément, d'exaspérer un tribunal pourtant patient et même compatissant. Repris, sermonné, André Bamberski a admis son rôle «d'instigateur» défini par le parquet et fait une demande : «Si jamais vous prononcez une peine de prison ferme, je préférerais que cela soit à mon encontre qu'à l'encontre de Krasniqi et Bablovani.» Cela a du sens et une forme de panache.

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