mardi 30 septembre 2014

Jugés pour l'assassinat d'un Antillais dans l'Aveyron, 18 accusés sous pression

Rodez - «Vous encourez la réclusion à perpétuité, réfléchissez à cela...» Le président de la cour d'assises de l'Aveyron a mis la pression, mardi, sur chacun des 18 accusés de l'assassinat d'un jeune Antillais, à Millau en 2010, dans l'espoir que leur procès révèle lequel avait «donné la mort».
Aujourd'hui âgés de 23 à 32 ans, ces hommes sont jugés, à Rodez, pour leur participation à une «expédition punitive» sanglante qui visait «les Antillais» du centre de Millau, le 8 mai 2010.
A chacun, le président de la cour d'assises, Régis Cayrol, a énuméré les mêmes chefs d'accusation: «Assassinat» ou «complicité d'assassinat», «tentative d'assassinat» ou «complicité de tentative d'assassinat», «violences aggravées». Puis, les yeux dans les yeux, il leur a répété: «Si vous êtes reconnu coupable, vous encourez la réclusion à perpétuité», «c'est très long...». Puis il a souhaité «que chacun essaie de réfléchir à la position qui doit être la sienne».
Le soir du 8 mai 2010, Jean-Ronald d'Haity, 20 ans, originaire de la partie française de l'île antillaise de Saint-Martin, avait été tué de deux coups de couteau, dont un en plein cœur, dans son appartement. Une vingtaine d'assaillants y avaient surgi, armés de couteaux, de battes de base-ball, de poings américains et même d'un sabre de samouraï...
Les amis antillais avec lesquels Jean-Ronald passait la soirée avaient tenté de s'échapper. L'un s'était caché dans les toilettes, d'autres s'étaient blessés en sautant du deuxième étage. Poursuivi dans la rue, l'un d'eux avait été poignardé et frappé dans la tête à coups de pied.
Quatre ans plus tard, le juge a longuement lu l'acte d'accusation reconstituant le scénario d'«une expédition punitive» contre «les Antillais». Deux frères sont accusés d'en être «les meneurs»: Taoufik Laanizi, 32 ans, et Morad, 26 ans, nés à Millau au sein d'une famille d'origine marocaine.
Assis côte à côte dans la salle d'audience, les deux frères - d'apparence calme, les cheveux courts soigneusement coiffés au gel - ont comparu libres, après avoir fait chacun un long séjour en prison, en détention préventive.
Un mois avant l'assassinat, Morad Laanizi avait eu la mâchoire brisée lors d'une bagarre avec un Antillais résidant dans le même bâtiment que Jean-Ronald. Les deux frères s'étaient alors faits «de plus en plus pressants» auprès de leurs amis et connaissances pour qu'ils participent à une expédition destinée à se venger des «Blacks», selon l'acte d'accusation.
Interrogé par l'AFP, l'un de leurs avocats, Me Baptiste Scherrer, a ainsi résumé leur défense: «Ils sont présentés comme les organisateurs de l'expédition punitive, et Morad le reconnaît, Taoufik aussi, ils voulaient s'expliquer, après une bagarre. Mais ils nient avoir asséné quelque coup de couteau que ce soit...»
- Tous 'étrangers à cette histoire'-
A une suspension d'audience, l'un des 18 accusés lâchait: «C'est une embrouille de malade!» Puis dévalait les escaliers du palais, surveillé par des dizaines de policiers déployés dans le quartier.
Dans la matinée, un des avocats de la défense avait interrompu le juge pour protester contre «la litanie» des «vous encourez la perpétuité». «Mon client (Abdel-Malik Taghouzi, ndlr) a reconnu qu'il était dans l'expédition mais sans arme», a ensuite expliqué à l'AFP cet avocat, Me Édouard Martial. Et de pointer une faiblesse du dossier: «Le meurtre collectif, il faudra nous expliquer ce que c'est! Ils n'étaient pas à 18 sur les manches des couteaux...»
Durant un examen de personnalité, le président a posé une question sensible à l'un des accusés, Abdelouafi Najad :
«- Est-ce que la confrontation des jeunes de Millau d'origine maghrébine avec les jeunes de Millau d'origine antillaise, ça peut relever du racisme?
- Non, a simplement répondu l'accusé
- On a parlé d'Arabes qui voulaient aller +niquer+ des Antillais..., a insisté le magistrat
- Je suis étranger à cette histoire!
- Il y a 18 (accusés) étrangers à cette histoire ici», a conclu le juge, au tout début d'un procès qui doit durer deux mois.

http://www.20minutes.fr/france/1452493-juges-assassinat-antillais-aveyron-18-accuses-sous-pression

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