jeudi 27 novembre 2014

Nancy : un pavé de haine sur la tête

Younes Bellahcen fait le show. En mode mauvais garçon des banlieues. Avec la gouaille des cités et une agressivité à fleur de peau. Mais aussi un goût certain pour la provocation. A l’image de sa posture devant la cour d’assises de Melun, ce mercredi, au deuxième jour de son procès et de celui de deux de ses copains.
Barbe courte, lunette et cheveux rasés sauf sur le haut du crâne, le jeune homme de 25 ans est en effet accoudé à la barre comme au comptoir d’un bar. « Vous avez conscience d’être accusé devant une cour d’assises ? » lui rentre dedans l’avocate de la partie civile, Me Caty Richard qui n’hésite pas, elle aussi, à jouer la carte de la provo.
Elle va jusqu’à demander à l’accusé s’il « a un cerveau » et s’il « s’en sert ». Younes Bellahcen ricane : « Vous voulez me faire craquer ! Et cela vous fait mal à la tête ! Mais vous n’y arriverez pas ! » Effectivement. Le jeune homme nie toute participation au drame qui a eu lieu le 2 mars 2011 dans son quartier, près de la gare de Noisiel, une ville-dortoir de Seine-et-Marne.
Il reconnaît quand même avoir accompagné les deux autres accusés en haut d’un immeuble. Et il ne conteste pas qu’il avait une bouteille de rhum à la main. Bouteille qu’il comptait jeter sur des CRS de Jarville en train d’effectuer de banals contrôles d’identités dans le cadre d’une mission de sécurisation en région parisienne. « Mais j’ai posé cette p… de bouteille par terre et cela voulait dire que je ne voulais plus la jeter sur personne », soutient Younes Bellahcen.
Il prétend être parti, ne pas avoir donné la bouteille à l’un de ses deux copains et n’avoir « rien vu, rien entendu » de la suite des événements. Les deux autres accusés ont une autre version, une autre attitude et une autre stratégie de défense. Ils sont plus policés, moins rebelles et surtout ils reconnaissent les faits. L’un, Thomy N’Gangu, 24 ans, a pris la bouteille de rhum et l’a jeté sur les CRS. Sans atteindre personne. L’autre, Mohamed Diakite, 23 ans, a balancé un pavé de 2,5 kg. Il a touché et grièvement blessé à la tête l’un des policiers : Romain Lacour, 34 ans à l’époque.
Les aveux des deux jeunes n’ont toutefois rien de spontané. C’est leurs ADN retrouvés sur le pavé et sur la bouteille de rhum qui les a amenés à se mettre à table devant les policiers de la brigade criminelle de la PJ de Versailles. Une confession mais sans remords, ni regrets, selon la capitaine Cathy Nicol qui a dirigé l’enquête : « Ces hommes étaient déterminés et animés d’une haine incommensurable des forces de l’ordre ».

« Je suis content parce qu’on a touché un CRS »

La déposition de l’officier de police est accablante. Elle insiste sur les paroles échangées entre les jeunes dans leurs cellules de garde à vue. Car leurs cellules étaient « sonorisées ». En clair, il y avait des micros. « On entend des insultes à l’égard de la police, des rires, des sarcasmes, aucun repentir et une indifférence à l’égard de la victime », résume la capitaine. Exemple le plus glaçant : « J’aurais kiffé que tu aies eu un vrai bleu. Pas un CRS. Un vrai bleu », lâche un des gardés à vue. Réponse d’un de ses copains : « Non, un CRS, c’est mieux. C’est eux qui font les malins ! Wallah ! Je suis content parce qu’on a touché un CRS. Ces fils de p…, ils respectent rien ».
Les avocats de la défense rament dur pour inverser le courant. Ils cuisinent durant un long moment la capitaine. Ils lui reprochent d’avoir « piégé » leurs clients. Dans un coin de la salle, le CRS blessé écoute l’échange. Attentif. Mais sans laisser transparaître d’émotion. A la fin de la journée, alors que la salle est presque vide, Romain Lacour demande toutefois une faveur à l’huissier de l’audience. Il veut voir de près une des pièces à conviction : le pavé qui lui a défoncé une partie du crâne. Il l’observe. En silence. Pour l’instant. L’homme blessé livrera son témoignage ce jeudi.

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2014/11/27/un-pave-de-haine-sur-la-tete

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