dimanche 7 décembre 2014

David Leroy condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Xavier Delille

La cour d’assises du Pas-de-Calais a délibéré pendant près de six heures. Pour répondre à une seule question – « M. David Leroy est-il coupable d’avoir volontairement donné la mort, le 9 juin 2007 à Hénin-Beaumont, à Xavier Delille ? » – c’est totalement inhabituel. Preuve que les trois juges professionnels et les six jurés ont plongé dans les doutes et les vides de ce dossier.
« Mes confrères de la partie civile vous ont expliqué pourquoi on a envie de condamner mon client. M. L’avocat général nous a dit pourquoi il ne faut pas le condamner. » Bruno Dubout, avocat de David Leroy, a plaidé en fin de matinée l’acquittement d’un homme toujours apathique, son lourd menton posé sur ses bras croisés, relevant parfois un œil noir dont il est difficile de deviner ce qu’il exprime.
« C’est vrai qu’il n’est pas sympathique », dit Me Dubout. Et il parle de ce monde des SDF qu’il connaît, par d’autres engagements, qu’il scrute et qu’il comprend. Mais il comprend aussi le regard que porte sur eux notre société : « Il n’est pas des nôtres. »

Des parents admirables

Il est de ce monde dans lequel avait fini par plonger Xavier Delille. Ce gosse brillant, mordant dans la vie qui lui a fait un ou deux croche-pieds au mauvais moment et qui est revenu s’installer, à trente ans, à Hénin-Beaumont, à côté de son père. C’est là qu’il a ouvert sa porte aux égarés de la vie. C’est là qu’il a sombré dans l’alcool et les stupéfiants. « On faisait ce qu’on pouvait pour lui, mais on sentait bien qu’on le perdait… » Ses parents, admirables de courage, participent forcément à l’œuvre de leurs avocats : c’est vrai qu’il est tentant d’en vouloir à ce David Leroy muet comme un mufle, qui s’endort parfois dans son box.
Car il a passé des aveux. C’est là-dessus que s’est appuyé l’avocat général : « Tout colle », dit-il. Ce que raconte Leroy après quatre ou cinq heures de garde à vue, après avoir nié. Et avant de revenir sur cette version et de nier à nouveau.
« Tout colle ? Comme vous y allez, M. l’avocat général ! » Bruno Dubout n’est pas d’accord. D’abord, il manque un mobile. Dans ses aveux, Leroy, à qui on pose évidemment cette question, répond que la victime avait insulté sa mère. Et l’expert-psychiatre, vendredi, était venu dire que « c’est sans doute la seule chose qui peut le faire sortir hors de lui… » Mais Xavier Delille pouvait-il proférer ces insultes ? « Dans l’état d’alcoolisation dans lequel il était ? C’est impossible ! ». Me Dubout s’appuie pour cette affirmation sur le témoignage d’un médecin légiste qui assure que Xavier Delille devait être inconscient, au moment du crime, au regard du taux d’alcoolémie relevé sur son corps.

Le doute de l’arme

Et puis, il faut une arme. Il y a bien cette fourche dont l’accusé a parlé spontanément, sans que personne ne l’ait remarquée avant. Cette fourche avec laquelle il assure avoir donné les coups qui peuvent correspondre avec les constatations du légiste. « Il ne peut pas l’inventer, ça, tout de même ! » Certes. « Mais dites-moi, cette fourche, on la retrouve à l’autre bout de la pièce. Bien à sa place. » Et le voilà qui mime l’homme qui aurait frappé avec cette arme lourde, repartant la poser à sa place. Il montre son client avachi dans le box : « C’est vrai qu’il est si ordonné. Si soucieux du rangement… » Des jurés se regardent…
Mais il y a l’histoire du loquet de la porte. Si ce loquet est tiré, personne ne peut entrer de l’extérieur, et alors, Leroy est le seul coupable possible, puisqu’il était à l’intérieur de la maison. « Il le tirait toujours », dit la mère de Xavier. Son père confirme. D’autres témoins, aussi. « Mais si ce jour-là, il était trop alcoolisé ? »

Un dossier plein de trous

Bruno Dubout ira aussi loin qu’il le peut. Ce dossier est plein de trous. Pleins d’absents, aussi, comme ceux qui ont disparu tout de suite après le crime, des gens de la rue ou de la galère, qui avaient, eux, des raisons objectives d’en vouloir à Xavier Delille. Parce qu’il les avait recueillis un moment, puis leur avait demandé de vider les lieux. Il se sentait d’ailleurs menacé. La veille du crime, il avait dit à sa mère au téléphone : « Ils vont me tuer à coups de battes. » David Leroy était avec lui, il avait même confirmé à la maman que son fils avait peur. Il était encore là le lendemain, un peu avant 8h30, quand Xavier Delille, trente-cinq ans, a été retrouvé mort, baignant dans son sang, la tête et le torse fracassés.
La cour d’assises n’a pas suivi l’avocat béthunois. Elle a jugé que David Leroy avait bien frappé Xavier Delille à mort – et volontairement. Il est condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Me Dubout a annoncé immédiatement son intention de faire appel.
http://www.lavoixdunord.fr/region/david-leroy-condamne-a-quinze-ans-de-reclusion-ia34b0n2534029

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