mardi 13 janvier 2015

Bègles : soupçonné d'avoir poussé sa femme du 11e étage

Une seule certitude : le 22 août 2012 Suzanne Sadik était retrouvée au pied de son immeuble de la cité Maurice-Thorez, à Bègles. Morte sur le coup après une chute du balcon de son appartement situé au onzième étage. Son mari l'a-t-il fait basculer ou s'est -elle elle-même jetée dans le vide après une énième dispute ? La justice penche pour la première hypothèse puisque depuis hier matin Abdel Aziz Sadik, 48 ans, est jugé pour le meurtre de son épouse.
Tête haute, lèvres pincées et visage froncé, l'accusé se réfugie derrière la barrière de la langue pour ne pas affronter les questions. Et elles sont nombreuses. Il est donc assisté d'un interprète en langue arabe qui traduit… du français au français. Avant d'en venir aux faits et entre deux incidents d'audience - l'avocate générale qui qualifie de « débiles » les questions d'un des avocats de la défense, puis qui insinue qu'il ne fait pas preuve de dignité - le président Benoît Mornet choisit de faire parler ceux qui ont connu l'accusé.

« Un dictateur, un tyran »

Des collègues qui n'ont jamais eu besoin d'interprète avec lui le décrivent comme « très gentil », « courtois », « serviable », « ponctuel », même si « têtu », admirant « le très bon ouvrier qu'il était » ou craignant « le costaud qu'il ne fallait pas embêter ». Les mêmes qui l'ont parfois vu avec femme et enfants le qualifient de « mari exemplaire » et de « père généreux », « très fier de sa famille ».
 « Il était méchant avec nous, injurieux » 
il nous rabaissait. Un portrait qui contraste avec celui dressé par la sœur et la fille de la victime. « Suzanne ne faisait de mal à personne », témoigne son aînée, un mouchoir en papier calé dans sa main. « Ça n'allait pas entre eux, il la poussait tout le temps à bout ». Avec un texte fleuve débité d'un seul trait, la fille de la victime va plus loin. « Il était méchant avec nous, injurieux, il nous rabaissait. C'était un dictateur, un tyran. On rasait les murs ».
Elle raconte les week-ends de son enfance au parloir pour voir son beau-père incarcéré pour trafic de drogue. Elle dépeint une mère soumise car amoureuse qui donnait une vraie valeur au mariage et son mari qui « revenait toujours avec de beaux discours », « une ambiance pesante à la maison ». « J'ai été attristée mais pas étonnée de ce qui s'est passé », conclut-elle. Elle se veut la voix de sa famille, de sa mère disparue. Mais Me Christophe Cariou-Martin, la faisant parler de sa vie de femme, démontre que la jeune femme mélange peut-être son ressenti de couple avec celui de sa mère.

Une femme pas dépressive

Quand il évoque les faits, Abdel Aziz Sadik assure que sa femme a sauté pendant qu'il parlait à un voisin alerté par le bruit d'une violente dispute. Mais les proches de Suzanne Sadik ne croient pas au geste désespéré. Parce qu'elle était handicapée et parce qu'elle n'était pas dépressive.
Après un AVC et une hospitalisation-rééducation en 2011, Suzanne Sadik était en arrêt maladie et se déplaçait avec une canne anglaise. Pourtant l'expert appelé hier à la barre la juge valide et définit la béquille comme « objet contraphobique » qui la rassurait. « Elle avait donc récupéré sur le plan locomoteur », résume Me Sandrine Joinau-Dumail, pour la défense.
« Ce qui rend techniquement possible la défenestration », explique un psychiatre qui ajoute aussitôt ne voir aucun signe de dépression. La quadragénaire se projetait dans l'avenir, voulait reprendre le travail. « Même si, suivant un modèle maternel et culturel, elle était dépendante affectivement, elle avait une force de vie très importante », témoigne la psychologue qui l'a un temps suivie.
Reste le geste homicide. Lui, le travailleur musclé qui « pouvait soulever des blocs de béton sans effort » comme le souligne Me Sylvie Reulet, une des avocates de la partie civile, s'est-il débarrassé de son épouse ? Le verdict est attendu demain soir.
http://www.sudouest.fr/2015/01/13/cour-d-assises-juge-pour-meurtre-il-plaide-le-geste-desespere-de-sa-femme-1794929-2760.php

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