mardi 24 mars 2015

Meurtre de Valentin : deux jeunes à la dérive jugés aux assises

Contre toute attente, les avocats de la défense ont souhaité, hier, que le procès des deux jeunes, accusés de vol avec violence ayant entraîné la mort de Valentin Rivié, 24 ans, soit public. Il n'y a donc pas eu, et il n'y aura pas, de huis clos pour cette affaire qui relève de la cour d'assises des mineurs. Car un des deux agresseurs de la victime était mineur au moment des faits, le 1er juin 2012, sur le trottoir du boulevard Carnot à Albi. Même si les débats sont publics, l'identité du mineur doit être préservée. Albert, nous l'appellerons ainsi, avait 17 ans et 8 mois lorsqu'il a croisé la route de Valentin et de Romain Gilabert, son copain de 21 ans. Ils revenaient d'une soirée d'anniversaire. À ses côtés, Farouk Yahiaoui, 24 ans, ivre également, assènera un coup de bouteille mortel sur la tête du jeune albigeois. Les faits n'ont pas été abordés, hier, lors de cette première journée entièrement consacrée à la personnalité des deux jeunes.
Farouk a ouvert le bal pathétique d'une enfance coincée entre une mère analphabète, un père en proie aux démons de l'alcool, quatre frères et sœurs, le divorce des parents, la vie dans le quartier difficile de Lapanouse, une scolarité chaotique, la confrontation avec le monde du travail, l'alcool et les pétards. «Je n'ai pas pu faire plus, assure sa mère, dépassée par les événements. Je ne connaissais pas ses amis, il avait la clé de ma maison mais il vivait aussi chez son père». Un mois avant le drame du boulevard Carnot, Farouk est impliqué dans l'agression du chauffeur du Discobus à Albi. «L'image qu'on a de lui, ce n'est pas celle que j'ai. Il est un peu comme une tortue dans une carapace, il n'exprimait pas ce qu'il ressentait. Il buvait beaucoup. Après le drame, j'ai toujours pensé que c'était la bouteille de trop dans cet acte irréfléchi. On aurait pu éviter tout ça», se persuade son frère aîné. Ses avocats, Me Pierre Le Bonjour et Me Apollinaire Legros-Gimbert, se demandent «ce qu'il y a pu y avoir en 2012, ce qui a fait basculer Farouk ?» L'accusé, qui a deux condamnations dont une pour des violences, tente d'apporter une explication. «Je buvais de temps en temps, une ou deux bières. Et petit à petit, plus de bières et du whisky, tous les soirs. Et je fumais. J'avais besoin de boire, j'appréciais l'alcool et les stupéfiants. Il a fallu un tel drame pour que j'ouvre les yeux. Jamais, je n'ai voulu ça, enlever la vie à quelqu'un, jamais».

Des vies de galère

Albert, son copain de beuveries et d'infortune, relève la tête dans son box. C'est son tour. En 2 minutes, il balaie sa vie de famille, d'ado et de jeune adulte. Un peu court pour la présidente, Corinne Chassagne qui lui rappelle de mauvais souvenirs. Une scolarité difficile, le divorce de ses parents à l'âge de 12 ans, le père absent, la mère larguée, les dérapages, les foyers et les 7 condamnations devant le tribunal pour enfants d'Albi. Notamment pour des vols aggravés. «Je ne me sentais pas très bien au fond de moi, j'ai commencé à boire et à fumer, j'avais besoin de mon père mais il n'était jamais là. Je faisais des bêtises pour attirer son attention», confie-t-il avant de rebaisser la tête. Son père arrive à la barre. Instructeur de tir et retraité de l'armée, il ne cache pas qu'il a battu en retraite lors de son divorce avec son épouse.
«On ne s'entendait pas avec sa mère, il y a eu des histoires d'infidélité, on se bagarrait», explique-t-il en cherchant ses mots. Et les enfants ont trinqué : Albert, son jeune frère et sa sœur. «Je l'ai bien connu jusqu'à l'âge de 13 ans. Un enfant attentionné, un bon garçon, le chouchou de sa mère. Il était têtu mais violent, je ne pense pas».
«Est-ce que ce garçon n'a pas manqué de père, d'autorité ? À un moment donné vous avez renoncé», lance Me Alexandre Martin. «Oui, il a dû souffrir comme moi j'ai souffert de l'absence de mon père». L'ex-instructeur a rectifié le tir un peu tard, il vient voir son fils toutes les semaines à la prison.
Arrive sa mère à la barre, elle est civilement responsable des actes de son fils dont elle avait la garde.
«J'ai fait ce que j'ai pu, comme j'ai pu à l'époque, je me suis toujours battue, confie-t-elle. J'ai demandé le divorce parce que je n'en pouvais plus d'être frappée». Elle a vite perdu pied, les services sociaux ont fait état d'une sérieuse carence éducative des enfants. Délits, foyers et fugues pour Albert. Jusqu'à cette terrible nuit du 1er juin où l'alcool et la violence ont parlé.

http://www.ladepeche.fr/article/2015/03/24/2073232-meurtre-valentin-deux-jeunes-derive-juges-assises.html

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