jeudi 21 mai 2015

Bergerac : victime d'un accident de la route, elle a été oubliée du procès

La semaine dernière, le tribunal de Bergerac a condamné à un an de prison avec sursis le nonagénaire responsable de la mort d'Antoine, un motard de 24 ans, le 29 octobre 2013 à Vélines. La tragique manœuvre du chauffeur d'une camionnette a projeté le pilote sur la voiture de Saïda Gouin, témoin impuissant du drame. Extrêmement choquée, elle avait décidé de se porter partie civile et l'avait signifié dès son audition par les gendarmes, il y a un an et demi. Sauf que c'est sur SudOuest.fr qu'elle a appris la tenue des débats. Le tribunal de Bergerac a tout simplement oublié de porter à sa connaissance la date de l'audience.
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Mea culpa

« Ce procès, je l'attendais, souffle-t-elle. Je n'aurais rien pu faire pour empêcher le choc, mais j'ai longtemps pensé que j'étais responsable. J'ai culpabilisé pendant des mois. Je voulais le voir cet homme. J'attendais des réponses de sa part. C'était un accident, certes. Mais il m'a pourri la vie. Et ça continue aujourd'hui avec les assurances. »
"Je voulais le voir cet homme. J'attendais des réponses de sa part"
Saïda Gouin s'est manifestée auprès du palais de justice pour s'étonner. Le président du tribunal de Bergerac l'a contactée pour lui présenter des excuses. Il lui a également adressé une lettre. « Il y a bien eu une erreur de notre part », confirme Jean-Pierre Boucher.
Depuis quelques années, pour faciliter les démarches, la possibilité est donnée au justiciable de se constituer partie civile dès l'audition. Cela se traduit par une simple mention au bas du procès-verbal.
Une telle affaire implique un dossier volumineux. Les quelques mots faisant état du choix de Saïda Gouin n'ont manifestement pas été lus au moment d'établir la liste des parties civiles. L'attention s'est focalisée sur les principales victimes, en l'occurrence la famille : « C'est un oubli regrettable, mais pas irréparable, assure le président. Il ne remet pas en cause ses droits. Elle peut demander des dommages et intérêts au civil et elle ne souffrira d'aucune différence de traitement. »
C'est un oubli regrettable, mais pas irréparable... Elle peut demander des dommages et intérêts au civil
Certes. « Mais il y a une dimension symbolique qu'il ne faut pas occulter », réplique l'avocate de la concernée, Me Véronique Garcia, du barreau de Bordeaux. « Dans ce genre d'affaire, les victimes ont besoin pour se reconstruire d'être reconnues comme telles et elles le considèrent davantage au travers d'une audience pénale qu'au travers de l'indemnisation. »

Ne pas jeter l'opprobre

« Je n'ai évidemment pas perdu autant que les proches du défunt, mais j'ai perdu beaucoup ce jour-là, dit Saïda Gouin. Ma vie entière a changé. Ce fut un tel choc de heurter ce jeune et de le regarder dans les yeux jusqu'au dernier moment. J'ai longtemps été suivie par un psychiatre. » C'est en accord avec la famille de la victime qu'elle avait décidé de s'associer à l'action en justice.
Me Garcia s'interdit de tomber à bras raccourcis sur les services judiciaires : « N'oublions jamais que c'est une justice des hommes. Les greffes sont surchargés, les moyens technologiques ne sont pas à disposition. La justice manque de moyens et un tel dysfonctionnement interroge plutôt sur le nombre de postes qu'il faudrait ouvrir pour que les services travaillent en toute sérénité. »
Rien n'est moins sûr que ce couac autorise un recours. Et si oui, Saïda Gouin n'est pas pour autant certaine de vouloir emprunter ce chemin : « Si une action de ma part entraîne la nullité du procès, les proches d'Antoine vont être effondrés. De quel droit pourrais-je faire revivre ça à une famille inconsolable ?
http://www.sudouest.fr/2015/05/21/oubliee-du-proces-1926774-2190.php

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