mardi 26 mai 2015

Meurtre dans une truffière en 2010: la peur pour seul mobile

La peur. Le mot est revenu tel un leitmotiv au premier jour du procès d'un agriculteur devant les assises de la Drôme, pour tenter de justifier le meurtre, fin 2010 à Grignan, d'un homme surpris dans sa truffière.
"J'ai commis un acte irréparable. On a beau avoir un fusil, on est mort de trouille. J'ai beau connaître mes parcelles et le moindre arbre par coeur, quand il fait nuit on est en terrain hostile", confie l'accusé, Laurent Rambaud, 37 ans, veste sombre, chemise et jeans bleus.
"On" c'est lui, l'agriculteur hyperactif à l'époque des faits. A Grignan, où sa famille est une des plus anciennes et respectées, il fait dans la lavande, les vignes, les céréales et les truffes. Il est aussi président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme, pompier volontaire, membre de la Chambre d'agriculture et d'associations locales, décrit comme "un bon fils, un bon père et un bon mari" par l'enquêteur de personnalité.
Des témoins ne tarissent pas d'éloges, comme l'expert-psychiatre, Renée-Hélène Bellon, qui rencontre l'accusé trois semaines après les faits. "Il vivait dans la peur de rencontrer ces personnes (des voleurs de truffes, ndlr). Ce n'est pas quelqu'un d'impulsif ou d'instable, c'est quelqu'un qui réagit", affirme Mme Bellon.
Sa vie bascule le soir du 20 décembre 2010, quelques jours avant les fêtes et en pleine "psychose" au pays des "diamants noirs", qui se négocient entre 800 et 1.000 euros le kilo. Vers 18H00, alors que la nuit est tombée, il sort, armé d'un fusil à pompe, vérifier si personne ne vole dans sa truffière.

- 'J'ai pensé qu'il était armé, j'ai tiré' -

Après avoir traversé plusieurs parcelles, il surprend un homme accompagné d'un chien et qui tient dans une main ce qui s'avérera finalement une petite pioche. Le prenant pour un voleur, Laurent Rambaud ouvre le feu à une quinzaine de mètres de distance.
Puis tire un second coup. La victime s'était relevée avant de s'écrouler morte quelques mètres plus loin. Elle sera vite identifiée: Ernest Pardo, 43 ans, brancardier à l'hôpital de Montélimar et très connu localement comme chercheur de truffes chevronné.
"J'ai pensé qu'il était armé, j'ai tiré le premier", dira-t-il à la psychologue clinicienne Catherine Benoît-Gervais. Pour elle, l'accusé a pu avoir une "hallucination" et voir une arme, dans ce contexte de peur, de vols subis depuis plusieurs années, sans compter la fois où, selon ses dires, on tenta de lui foncer dessus en voiture.
"Quand on a peur, on a deux types de réactions. Soit on est enfermé et paralysé, soit on essaie de la dépasser en allant à sa rencontre", explique la psychologue. Et de conclure que Laurent Rambaud, pas pompier par hasard, a choisi la deuxième option.
Une thèse qui ne sied pas aux avocats de la partie civile ni à l'avocat général Gilbert Emery, pour qui la "peur" aurait dû le retenir.
Appelé à la barre, Bruno Durieux, maire de Grignan depuis 20 ans, vante d'un ton affable les mérites de la famille Rambaud, "attachée aux valeurs d'honnêteté et très engagée dans la vie du village".
Il évoque aussi deux graves agressions survenues deux à trois ans avant le drame. Chez un couple de Belges, violemment séquestrés pour leurs truffes. Puis chez des agriculteurs braqués par trois personnes encagoulées. Le propriétaire réussira à les mettre en fuite en sortant son fusil, non chargé.
"Depuis cinq à huit ans, il y a avait une nette aggravation des vols, qui devenaient plus fréquents, avec des méthodes de professionnels", relate l'élu, même si "ce n'était pas Chicago".
"J'ai des vestes sombres et des souliers maquillés. Ma mère porte une bombe lacrymogène quand elle part truffer", confie l'accusé.
Lors de sa détention provisoire, il s'était "auto-puni" en refusant les promenades ou de faire du sport, raconte son avocat, Me Alain Fort. Embauché pour passer le balai en prison, il gagnait 200 euros par mois, un pécule qu'il a voulu reverser intégralement aux trois enfants de sa victime, sans succès.
Verdict vendredi.

http://www.lepoint.fr/societe/meurtre-dans-une-truffiere-en-2010-la-peur-pour-seul-mobile-26-05-2015-1931309_23.php

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