mardi 20 octobre 2015

Procès Bonnemaison : "Je ne comprends pas que ma mère fasse partie des cas"

près une journée délicate lundi pour l'ex-urgentiste, l'audience est consacrée aujourd'hui à l'examen des trois derniers décès qui ont amené Nicolas Bonnemaison dans le box des accusés.
L'ancien médecin du centre hospitalier de la Côte basque est jugé depuis une semaine devant la cour d'assises d'appel de Maine-et-Loire à Angers pour avoir "empoisonné" sept patients en fin de vie.
Suivez les temps forts de cette journée.
  • Mardi, fin de matinée : le décès de Christiane Tymen

Christiane Tymen, atteinte d'une maladie dégénérative, est décédée le 26 juin 2011 à l'âge de 80 ans. "Ma mère était une enseignante de français à la retraite que je trouvais brillante et intelligente", témoigne à la barre sa fille Viviane. "En 2005, on s'est rendu compte qu'elle avait des problèmes d'équilibre, mais il n'y avait pas de diagnostic".
"A chaque fois qu'il venait dans la chambre, c'était en notre présence"
En 2008, suite à une chute, "elle fait un séjour dans un centre de rééducation" qui demande un examen neurologique à l'hôpital de Bayonne. "Un docteur (autre que Nicolas Bonnemaison, ndlr) nous annonce qu'elle a une paralysie progressive, qu'il n'y a aucun traitement, que son espérance de vie est de 7 à 10 ans et qu'elle aura une mort atroce par étouffement". "On instaure alors un système d'auxiliaires de vie. Ma mère se paralyse progressivement. Elle ne peut plus parler, elle ne peut plus écrire, ce qui était important pour elle. C'est atroce".
"Le samedi 25 juin 2011, on nous appelle : les analyses sont très mauvaises. Elle ne mangeait pas, on ne la bougeait plus de son lit. Elle est hospitalisée d'urgence à Bayonne", avant d'être admise dans la soirée à l'Unité d'hospitalisation de courte durée, le service de Nicolas Bonnemaison. 
Le temps de venir d'Antibes, la fille et la petite-fille de la patiente arrivent vers 4 heures du matin au centre hospitalier de la Côte basque. Même si la situation est difficile, "ma mère était recroquevillée", "nous n'avons pas du tout bougé de la chambre", affirme Viviane Cipière. Quelques mois auparavant, "ma fille avait perdu un bébé de 48 heures", qui est décédé quand elle s'est brièvement absentée de la pièce. 
Viviane et sa fille voulaient être là pour les dernières minutes de leur mère et grand-mère. "Je ne comprends pas pourquoi on dit que ma mère fait partie des patientes" citées dans ce procès, regrette Viviane Cipière, ex chirurgien-dentiste. "A chaque fois que le docteur Bonnemaison venait dans la chambre, c'était en notre présence" et celles des auxiliaires de vie de la patiente. Les seules fois où elles sont sorties, c'était pour "les soins de confort" effectués par les soignantes et les infirmières. "C'est impossible", selon elle, que Nicolas Bonnemaison ait pratiqué une injection. "Je suis tombée des nues quand j'ai appris ces accusations".
Peu avant le décès de la patiente, une infirmière avait vu Nicolas Bonnemaison venir chercher des produits dans la pharmacie d'un autre service. Du Norcuron (substance à base de curare, entraînant une paralysie des muscles) suppose-t-elle, car le rangement était décalé. Marion Luminueau s'en souvient bien, puisqu'à cette époque et face aux bruits qui commençaient à courir, "on avait décidé d'être tous vigilants, de voir ce qu'il faisait". De le "surveiller". 
Comme la fille de la patiente, Nicolas Bonnemaison réfute avoir injecté un quelconque produit. L'hynpovel et le norcuron, il s'en était procuré "en cas d'évolution vers des gasps" (inspirations très bruyantes et impressionnantes, nldr). Mais la patiente est "décédée de manière naturelle très rapidement". "Je n'ai pas injecté les deux seringues que j'avais préparées".
  • Mardi, début de matinée : le décès de Marie Carrère

Marie Carrère est décédée le 12 juin 2011 à l'âge de 81 ans. "Elle était dans une maison de retraite à Cambo-les-Bains (Pays basque) quand elle a eu son AVC" le 9 juin, explique sobrement son fils adoptif, Jean-Noël Hoyau. Admise à l'unité d'hospitalisation de courte durée, service où officiait Nicolas Bonnemaison, Marie Carrère, déjà victime de "plusieurs AVC" par le passé, est dans un coma profond. "Au bout de 48 heures, elle a commencé à avoir des crises d'épilepsie", indique l'ex-médecin bayonnais, qui note des signes d'aggravation chez cette patiente en fin de vie. Le 12, quand il reprend du service, "elle convulsait toujours".
"Elle tremblait, je pense qu'elle devait souffrir", témoigne Jean-Noël Hoyau par visio-conférence.
Alors que la patiente n'avait jusqu'ici pas reçu d'hypnovel (puissant sédatif), Nicolas Bonnemaison lui administre une ampoule. "C'est un médicament qui a une fonction anti-convulsivante", se défend l'accusé. La veille et l'avant-veille, certains "médicaments utilisés étaient plus forts", poursuit-il.
Peu de temps après l'injection d'hypnovel, la patiente décède. Du fait de son AVC, affirme-t-il. "Après l'administration d'hypnovel, elle arrête de convulser mais elle reste dans le coma. Une mauvaise oxygénation provoque un arrêt cardio-respiratoire", poursuit Nicolas Bonnemaison. "Je ne l'ai pas tuée. C'est la maladie qui l'a tuée", insiste-t-il.
Selon le témoignage d'une infirmière, "vous poussez sur la seringue et vous quittez la chambre dans la foulée", insiste le substitut général du procureur.
Nicolas Bonnemaison n'a "pas de souvenir précis de ce qui s'est passé dans les minutes qui ont suivi". Ce que dit l'infirmière "est possible même si ça me paraît surprenant". Puis, de nouveau interrogé sur la question, il répond : "Je reste dans la chambre le temps que j'injecte. Je ne reste effectivement pas pour voir s'il y a une réponse immédiate. Ça peut paraître étonnant", admet-il, mais il n'avait "pas la notion" que le décès surviendrait aussi rapidement.
"Ce qu'il a fait, pour moi, c'est très bien". Jean-Noël Hoyau, qui considérait Marie Carrère comme sa mère, "soutient le docteur Bonnemaison à 200%". "Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? (...) Il ne faut pas laisser les personnes souffrir même si on ne sait pas si elles souffrent ou pas".

http://www.sudouest.fr/2015/10/20/proces-bonnemaison-je-ne-l-ai-pas-tuee-c-est-la-maladie-qui-l-a-tuee-2160198-6062.php

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