vendredi 16 octobre 2015

Procès Bonnemaison : quand les médecins s'opposent sur certaines pratiques

La première semaine du procès en appel de l'ex-urgentiste bayonnais Nicolas Bonnemaison, jugé à Angers pour "empoisonnement" de sept patients en phase terminale, s'achève ce vendredi avec l'audition d'experts et l'examen dans l'après-midi de deux décès : celui de Fernand Dhooge, en mars 2010, et celui d'Angré Geffroy, en février 2011.
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  • Sédation : des avis parfois divergents

"La médecine c'est d'abord le doute. (...) L'art est difficile et son expertise assez périlleuse aujourd'hui". Le témoignage vendredi matin de Patrice Bodenan, médecin anesthésiste-réanimateur dans la région parisienne, illustre les débats auxquels assiste, depuis le début de ce procès, la cour d'assises de Maine-et-Loire.
Quand un patient est dans le coma, "il est impossible d'avoir des certitudes en l'état actuel de la science", sur les souffrances qu'il peut ressentir. Qu'elles soient physiques ou morales, expliquait mardi matin Nicolas Bonnemaison. Face à une personne en fin de vie, "on part donc du principe qu'il faut imaginer le pire, on applique le principe de précaution", poursuivait l'ex-urgentiste bayonnais.
"A partir du moment où la personne est inconsciente et qu'elle ne peut pas s'exprimer, tout doit être fait pour l'endormir", indiquait le même jour Jean-Claude Ameisen, médecin et président du comité consultatif national d'éthique.
"Principe de précaution", Régis Aubry, professeur à Besançon, président de l'Observatoire national de la fin de vie, "ne connaît pas ce terme". "Comment saurais-je ce qui se passe dans le psychisme d'autrui ?" s'interrogeait le médecin. 
"Le principe de précaution, c'est dramatique", juge quant à lui Charles Janbon, professeur honoraire, expert auprès de la cour de cassation et également viticulteur dans l'Hérault. "Je vous livre mon opinion personnelle : si on commence à dire qu'il faut un principe de précaution sur un patient qui souffre, on va arriver à des indications de sédation excessive", déplore-t-il.
Le spécialiste a étudié pour la justice les dossiers médicaux des sept patients. Il détaille la situation de Christiane Tymen, atteinte d'une maladie dégénérative, décédée à 80 ans le 26 juin 2011 "avant que je n'injecte quoi que ce soit", affirmait mardi Nicolas Bonnemaison. "Je ne suis pas capable de dire si c'était une question d'heures ou de jours. Pour tout médecin d'expérience, on pense bien que la mort va survenir mais fixer la date est toujours très aléatoire", explique Charles Janbon.
Face aux descriptions faites de l'état de la malade, "on peut clairement estimer que cette patiente a une durée de vie de quelques minutes", témoigne à l'inverse peu après le professeur Pierre Coriat, professeur à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, à Paris, et chef du service d'anesthésie-réanimation à l'hôpital de la Salpêtrière.
A son confrère Charles Janbon, qui indiquait que la décision d'une sédation devait être collégiale - il est reproché à Nicolas Bonnemaison d'avoir agi seul -, Pierre Coriat, qui souligne être toujours "en pratique clinique active", répond : "Il faut différencier l'arrêt des soins, où la décision collégiale s'impose, et la sédation, qui relève de la réflexion médicale". 
En tant qu'expert médical judiciaire, "je dis les bonnes pratiques médicales", poursuit Pierre Coriat. "On aide le malade en phase terminale". Quand les patients en fin de vie sont "en phase réfractaire (le traitement anti-douleur ne suffit plus, ndlr), "on donne une sédation en acceptant le risque. On est dans le cadre d'une sédation en phase terminale. On n'est plus dans le cadre de soins". "On ne recherche pas la mort, on l'accepte".
 

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