vendredi 25 mars 2016

Nancy : Sylvie Leclerc condamnée à 9 ans de prison pour le meurtre de son compagnon

Rassurant. Oui, rassurant de constater que battage et gesticulations médiatiques restent encore à la porte des enceintes de justice. Ce jeudi soir, après un délibéré de quatre heures, Sylvie Leclerc, 53 ans, défendue par Mes Bonaggiunta et Tomasini, qui avaient plaidé pour Jacqueline Sauvage, a été condamnée à neuf ans de prison par la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle.
Sylvie Leclerc a été reconnue coupable du meurtre de son conjoint, Gérard Schahan, 58 ans, tué d’une balle alors qu’il dormait sur le canapé, le 15 mai 2012, à Jarville. Elle a toujours affirmé avoir entendu une petite voix qui lui disait : « Tue-le, Sylvie ! Tu as assez souffert ! ».
Marie-Claude Weiss, l’avocate générale, avait requis cette même sanction de neuf ans et une altération du discernement, que les jurés nancéiens ont retenue. Avec le jeu des remises de peines, la quinquagénaire, en détention provisoire depuis 3 ans et 10 mois, pourra prochainement prétendre à une libération conditionnelle.
C’est d’ailleurs ce qu’avait préconisé la représentante du ministère public qui, au terme de ses réquisitions et après sans doute avoir fait de savants calculs sur les remises de peines, avait estimé qu’il ne « fallait pas rajouter du malheur au malheur ».
« Deux cabossés de la vie »
Auparavant, Marie-Claude Weiss était revenue sur l’enfance dévastée de Gérard et Sylvie, sur leur vie « de souffrance et de malheur ». La magistrate avait aussi relevé que les viols dénoncés par l’accusée l’avaient été « tardivement », que cette dernière, continuellement humiliée et frappée à une reprise trois mois avant les faits, n’avait pas, en tuant, « pris la bonne décision ».
Dernier expert convoqué à la barre, le docteur Francis Boquel, psychiatre, a, lui, confirmé dans la matinée le diagnostic établi la veille par un confrère : Sylvie Leclerc, au moment des faits, ne souffrait pas de maladie mentale, ne présentait « donc pas une abolition du discernement » - qui aurait signifié son irresponsabilité pénale - mais « une altération ». Le praticien indique que l’accusée « voulait à tout prix camper dans la position de victime. On a presque le sentiment que c’est une stratégie… »
Premier conseil de la famille de la victime à plaider, Me Philippe Lyon évoque les « griefs dérisoires » faits à Gérard Schahan, souligne que « la médiatisation de cette affaire, au regard de la suggestibilité de l’accusée, l’entretient dans cette idée qu’elle a raison. La cause, très noble, des violences conjugales n’est pas celle qui nous occupe dans ce dossier mais il y a des choses qui lui sont assurément confortables, à Sylvie Leclerc, dans le cadre de sa défense ».
Mes Rui Pereira et Stéphane Massé reviennent, eux, sur le geste homicide - « froid, méthodique, réfléchi. On ne peut s’arroger le droit de vie ou de mort » - mais aussi sur la personnalité de l’accusée, « qui s’est enfermée, qui s’est trompée. Dans cette famille, on considère que le bonheur est l’absence de souffrance ».
Me Bonaggiunta revient sur ce couple, « deux accidentés, deux cabossés de la vie qui ont souffert du silence qu’ils ont créé autour d’eux », sur Sylvie Leclerc, qui a connu son concubin à 15 ans et qui « a passé sa vie à survivre, à assurer sa sécurité ». « Elle n’a pas eu le courage de partir mais a eu celui de parler. Et il y a eu de graves dysfonctionnements dans le milieu médical ».
« J’ose le dire : Sylvie Leclerc n’a pas tué Gérard Schahan ! », soutient Me  Tomasini qui s’arc-boute sur l’abolition du discernement. « Ce n’est pas elle qui a tiré ce soir-là, elle n’était pas elle-même mais téléguidée. Elle n’avait plus son libre arbitre. C’est un acte fou, un geste de folie ».
La cour d’assises n’a pas adhéré à cette thèse. Au début du XXe siècle, l’immense avocat Vincent de Moro-Giafferi a eu cette phrase, demeurée célèbre : « L’opinion publique est une intruse, une prostituée qui vient tirer le juge par la manche ».

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2016/03/25/nancy-sylvie-leclerc-condamnee-a-9-ans-de-prison-pour-le-meurtre-de-son-compagnon

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