samedi 23 avril 2016

Au tribunal de Montpellier : les ravages d’une double emprise psychologique

F rappée, menacée, presque étranglée, elle vivait dans la peur que son compagnon s'en prenne à sa famille.
Son cinéma d'amoureux meurtri par la fin d'une passion n'aura ému personne au tribunal correctionnel de Montpellier. "C'est un pathos de combat", a même commenté Michèle Arnold, l'avocate de la partie civile, après la piteuse prestation d'un employé de restaurant étoilé, âgé de 24 ans, poursuivi pour avoir martyrisé sa compagne, sans relâche, dès le début de leur relation
Le jour de l'audience, l'emprise est encore vivace sur la jeune femme. Son conseil lui souffle de ne pas regarder le prévenu dans les yeux pendant qu'il se justifie piteusement : "J'étais trop amoureux ! J'ai jamais squatté son appartement. J'ai jamais pris son argent. J'ai jamais profité d'elle. J'étais même le premier à l'emmener au cinéma."

Des yeux injectés de sang

Insultes, menaces de mort par Facebook ou par sms, coups, vol de clés de voiture, de portable, l'étudiante infirmière en première année à Montpellier a vécu un véritable calvaire pendant des mois. Sans qu'elle n'en dise jamais mot à ses proches, malgré une joie de vivre évaporée et des "marques bizarres sur le visage" ou "des yeux parfois injectés de sang", selon son père.
Son Thénardier de petit copain poussait le vice jusqu'à la faire chanter en menaçant d'envoyer des photos d'elle, nue, à son père. "Il me faisait culpabiliser, confiera cette dernière aux enquêteurs. Je me disais que si j'étais gentille avec lui, il ne me ferait plus de mal." Un jeu sulfureux que le Compiégnois espérait convertir en stratégie de défense : "Pourquoi je resterais avec une fille que j'ai envie de tuer ? Je l'aurai obligée à coucher avec moi jusqu'à vendredi ?"
Ce 8 avril, la furie s'est une nouvelle fois emparée du jeune homme "en souffrance et en échec, qui ne supporte pas l'abandon" mais pas aliéné mentalement ni dangereux, selon l'expert. En pleine crise de jalousie, il pourchasse l'étudiante dans l'appartement, tente de l'étrangler tout en lui enfonçant les pouces dans les yeux. Puis menace avec un couteau de "trouer" celle qui s'était réfugiée dans les toilettes, dont la porte cède sous ses assauts.

Il confond sa tête avec un punching-ball

Le prévenu prétend qu'il voulait se suicider avec le couteau. Deux jours plus tard, il s'en prend de nouveau à elle sur son lieu d'études, alors qu'elle est au volant de sa voiture. Il ouvre la portière, la saisit par les cheveux et confond sa tête avec un punching-ball. Heureusement, un autre automobiliste en est témoin.
Face au juge, l'homme, marqué par une série d'échecs amoureux, ne semble pas prendre conscience de la gravité de ses gestes, puisque l'étudiante n'a pas même pas "perdu un œil ou une jambe". "Je suis prêt à tout abandonner mais pas à rentrer en prison", finit par pleurnicher l'apprenti cuisinier à la claque facile. "Ce n'est pas un Caliméro qui pleure sur lui-même, tente d'arguer son avocate Corinne Ferrer. Il se rend compte qu'il a agi sous l'emprise d'une passion."

Personnalité "inquiétante"

Carole Gonzalez, au nom du ministère public, n'a pu prendre à la légère la personnalité "inquiétante" d'un individu "qui refuse les soins", d'où un fort risque de "passer à l'acte". Le tribunal a choisi d'aller au-delà des réquisitions en le condamnant à dix mois de prison, dont cinq avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve avec une obligation de soins, interdiction d'entrer en contact avec la victime et de séjourner dans l'Hérault pendant cinq ans. Il a été maintenu en détention et devra indemniser le préjudice moral de la victime.

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