dimanche 15 mai 2016

À cause d'un baiser, il perd un œil

Situées près de Laon, dans l’Aisne, les anciennes pistes d’aviation de Samoussy sont le lieu de rassemblements divers. Et particulièrement d’amateurs de belles mécaniques qui profitent de la quiétude des lieux pour organiser des « runs ». En clair, des courses de motos ou de voitures dans lesquelles la puissance des engins est appréciée sur de faibles distances. C’est lors d’un rassemblement comme celui-là que le 3 octobre 2014, la vie de Steve Beaurain va basculer.
Il est un peu plus de 22 heures. Steve, la trentaine, électricien dans la Marne, discute avec un groupe d’amis quand une personne étrangère au groupe veut prendre part à la conversation. Un moment mal choisi semble-t-il puisque Steve Beaurain ce soir-là prie l’inconnu de s’écarter. Il joint le geste à la parole. Geste surprenant mais pacifique puisqu’il saisit la tête du curieux et lui dépose un baiser près de la bouche.

Éviter les ennuis

Pour Angelo Gauthier, le destinataire de cette attention, c’est une offense. « Je ne suis pas homosexuel » , expliquait-il à ses juges du tribunal correctionnel de Laon, jeudi. « J’ai eu peur. Peur qu’il me refile une maladie. »
Seul rempart à disposition de l’embrassé, les coups. D’abord une claque. Ensuite un coup de poing, direction les yeux. Steve tombe à terre et s’évanouit pendant que la rixe se propage quelques secondes dans le reste du groupe. Fin du premier acte.
Seize mois après les faits, Angelo Gauthier est convoqué par la gendarmerie. Pourquoi si tard ? C’est un mystère dont l’avocate parisienne de la victime ne se satisfait pas. « Je suis frustrée », explique-t-elle. « On aurait dû entendre l’agresseur beaucoup plus tôt. Et ceux qui l’accompagnaient ce soir-là aussi. » C’est la seconde bizarrerie de ce dossier : les proches de la victime ont été auditionnés mais pas ceux qui accompagnaient Angelo Gauthier. « Je n’ai pas voulu donner de noms pour leur éviter des ennuis » , justifie-t-il.
L’affaire est en correctionnelle parce que les faits sont graves. La représentante du parquet le relève d’ailleurs, « on est là dans un cas d’école » , explique-t-elle. « Où l’on voit qu’un geste déplorable peut avoir de grosses conséquences. » En effet, Steve Beaurain a été sérieusement blessé. Les médecins du CHU de Reims lui ont délivré 51 jours d’ITT. Malgré plusieurs opérations chirurgicales, l’œil touché par le coup de poing n’a pu être sauvé. « Il ne voit quasiment plus », argue son conseil. « Juste quelques formes et encore. »
Le préjudice subi par la victime est lourd. Il reste encore à circonscrire mais une chose est certaine : Steve est désormais considéré comme travailleur handicapé. Cela mérite une peine de dix mois de prison avec sursis pour la parquetière. À la défense (M e  Martins. Laon), c’est la relaxe qui est plaidée « car il n’existe pas assez d’éléments dans le dossier pour certifier que l’auteur du coup de poing est bien M. Gauthier. On ne peut se fonder sur les seules déclarations de ses amis » , plaide l’avocate. « La claque, il l’a reconnue. Pas le coup de poing. »
Pour Angelo Gauthier, c’est quitte ou double. Il est finalement condamné à une peine de 18 mois de prison dont six avec sursis. Les sommes conséquentes à verser à sa victime feront l’objet d’une audience civile.

http://www.lunion.fr/node/724847

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