mardi 10 mai 2016

"Indics" payés avec de la drogue : Michel Neyret assume

Prélever de la drogue sur des saisies pour récompenser des informateurs: l’ex-grand flic Michel Neyret a assumé cette pratique illégale, longtemps tolérée, mais en minimisant son ampleur.


Prélever de la drogue sur des saisies pour récompenser des informateurs: l’ex-grand flic Michel Neyret a assumé mardi devant le tribunal correctionnel de Paris cette pratique illégale, longtemps tolérée, mais en minimisant son ampleur.
L’ancien numéro deux de la PJ de Lyon est soupçonné d’avoir détourné du cannabis saisi par la police, avant son placement sous scellés ou sa destruction, afin de rémunérer des «indics».

Poursuivi pour «transport, détention, offre et cession de stupéfiants, association de malfaiteurs en vue de la commission de ces faits et détournement d’objets placés sous scellés», il encourt dix ans de prison. Trois de ses ex-subordonnés, Jean-Paul Marty, enquêteur aux «stups» de Lyon, Christophe Gavat, ex-chef de l’antenne grenobloise de la PJ et son adjoint, Gilles Guillotin, comparaissent à ses côtés, soupçonnés de l’avoir aidé en prélevant de la drogue dans des scellés.

"J'étais obsédé par les résultats"

Après quatre jours difficiles où Neyret a dû répondre à sa mise en cause pour corruption, l’ancien patron de l’antigang lyonnais a retrouvé mardi de sa superbe pour défendre une pratique qu’il légitime au nom de l’efficacité. «J’assume totalement cette démarche illégale», a lancé, un brin provocateur, Michel Neyret, racontant comment deux de ses indics, infiltrés dans des réseaux de trafiquants, lui ont permis début 2010 de réaliser trois importantes saisies de plus d’une tonne de cannabis chacune.
«J’étais obsédé par les résultats. Ma démarche était de faire tourner mon service avec des informations opérationnelles» et «les primes allouées aux informateurs étaient insuffisantes pour les fidéliser», a-t-il justifié. Longtemps tolérée, cette pratique serait en perte de vitesse.
Mais si Michel Neyret assume le principe d’une pratique, il affirme n’y avoir eu recours qu’à une seule reprise et pour une quantité dérisoire: 3 «savonnettes» de résine de cannabis de 300 grammes remises à des indics. Jean-Paul Marty a reconnu lui avoir remis cette drogue provenant d’une saisie de 296 kg en juin 2011, après, dit-il, avoir omis de la remettre dans les scellés à la suite d’un prélèvement pour analyses.
 

"Compliqué de lui dire non", disent ses ex-subordonnés

«Ça n’était pas ma politique. Je l’ai fait pour donner le change, alléger la pression» que faisait peser sur moi Michel Neyret qui me disait souvent: «Vous avez pensé à moi?». Christophe Gavat et Gilles Guillotin, mis en cause sur des écoutes où ils expliquent à Neyret avoir mis de côté des stupéfiants pour les informateurs, ont assuré à l’audience avoir faussement fait croire à l’ex-commissaire qu’ils accédaient à ses demandes pour obtenir la tranquillité. «On ne voulait pas entrer dans son jeu mais c’était compliqué de lui dire non. On ne voulait pas être ceux qui écorcheraient l’image, la légende Neyret», ont-ils expliqué.
L’ancien commissaire n’a pas contesté à la barre avoir mis la pression sur certains collaborateurs pour obtenir de quoi récompenser ses informateurs mais, d’après lui, «sans succès». Il dit s’être adressé en priorité aux policiers qui avaient «la même fibre policière, le même culte de la performance et du résultat». «En d’autres termes, pour vous, les bons fonctionnaires étaient ceux qui étaient susceptibles de commettre des infractions et les mauvais ceux qui respectaient la loi», a souligné le président.
 

Neyret et sa "mission"

«Mais le constat, c’est que je suis arrivé à aucune concrétisation», a affirmé Michel Neyret, sans vraiment convaincre. «Les quantités évoquées au travers des conversations téléphoniques dépassent largement quelques centaines de grammes, il s’agit plutôt de dizaines de kg», a souligné dans son ordonnance le juge d’instruction, pour qui «la finalité» de l’action de Neyret aurait été «une satisfaction égocentrique».
«C’était une vision personnelle, une mission. Je veux bien admettre un aveuglement mais je voulais marquer une empreinte sur le banditisme à Lyon», a justifié l’ex-grand flic à la barre, semblant donner raison au magistrat.
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