mercredi 11 mai 2016

Infanticide aux assises de Nancy : une pédiatre sur la sellette

Deux fractures du crâne. C’est ce qui a coûté la vie au petit Noa. Ce nourrisson de deux mois est mort le 22 septembre 2013 dans l’appartement de ses parents à Vandœuvre. Son père, Benoît Reichhart, 39 ans à l’époque, a avoué l’avoir frappé alors qu’il était en train de le changer. Il a confessé avoir mis « deux allers et retours avec le poing » sur le visage de l’enfant dont il ne supportait plus les pleurs.
« Sur une échelle de 1 à 10, à combien chiffreriez-vous la violence des coups », demande Marie-Cécile Thouzeau, la présidente de la cour d’assises de Nancy, ce mardi, au deuxième jour du procès du père infanticide et de sa compagne. « C’est difficile à évaluer précisément… Sans doute 8, 9 ou 10 », répond le docteur Raul, médecin légiste à Strasbourg.
Ce qui est certain, en tout cas, c’est que les deux coups de poing ont été suffisamment violents pour causer les deux fractures mortelles constatées lors de l’autopsie du corps du bébé. L’autopsie a aussi révélé que ce n’était pas la première fois que le petit garçon subissait des violences. Les médecins légistes ont en effet découvert qu’il avait deux côtes cassées et que cela remontait à « au moins huit jours avant son décès ». Comment est-ce possible ? Comme cela a pu échapper à l’impressionnante équipe de médecins, infirmières et travailleurs sociaux qui suivaient les parents ? La question revient sans arrêt sur le tapis judiciaire. Car une bonne quinzaine de professionnels d’organismes aux sigles divers et variés se succédaient au chevet du père et de la mère, tous deux toxicomanes. Ils n’ont rien vu, rien entendu. Ils étaient persuadés que les parents héroïnomanes allaient s’en sortir.
« La vision idyllique des travailleurs sociaux était-elle en décalage avec la réalité », interroge Me Lemaire-Vuitton, avocate de la Voix de l’Enfant. « Complètement ! Car, lorsqu’on interroge l’entourage du couple, tout le monde est unanime pour dire qu’ils étaient incapables de s’occuper d’un enfant », constate le commandant de police Olivier Gauzail.
« Je ne sais pas quoi dire »
Au moins une fois, les services sociaux auraient cependant pu ouvrir les yeux. C’était trois semaines avant la mort du bébé. L’enfant a été vu par une pédiatre de la PMI (Protection maternelle infantile). Il avait des marques rouges sur les avant-bras. Et son père a expliqué l’avoir attrapé lors d’une crise de pleurs puis l’avoir « secoué ».
« Mais, sur le moment, rien ne laissait supposer de la maltraitance », affirme la pédiatre, le docteur Bies, qui est plutôt épargné au départ par la présidente Thouzeau. Les questions ne sont pas inquisitoires et les réponses évasives. Changement de ton en fin de parcours lorsque la présidente insiste sur la « version édulcorée » qu’a livrée initialement la pédiatre aux policiers.
Elle n’a pas parlé des marques, ni de l’aveu du père d’avoir « secoué l’enfant ». Cela n’est venu que lors d’un deuxième interrogatoire. Pourquoi ? « Je ne sais pas quoi dire », lâche la pédiatre mal à l’aise.
Hormis l’avocat général qui est comme absent du procès, tout le monde se met alors à la bombarder de questions. A commencer par certains jurés. La plus pugnace est cependant Me Vaissier-Catarame, avocate de l’association Enfance Majuscule. Elle questionne fermement la pédiatre : « Un père toxicomane vous dit qu’il panique, qu’il n’arrive pas à faire face aux pleurs de son enfant et qu’il l’a secoué et cela ne vous interpelle pas ? Ce n’est pas un signal d’alarme ? »
« C’était un signal… pour rester vigilant », répète la pédiatre qui aurait dû revoir une deuxième fois le petit Noa. Cela ne s’est pas fait. Le petit garçon est mort avant.

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2016/05/11/infanticide-aux-assises-de-nancy-une-pediatre-sur-la-sellette

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