mardi 10 mai 2016

Père infanticide à la cour d’assises de Nancy : comprendre l’incompréhensible

Ils sont aussi dissemblables que possible. Benoît Reichhart, quadra à la barbe naissante, est tout en rondeur. Julie Schweitzer, jeune femme à lunettes, est tout en longueur. Lui est vêtu d’un vieux pull informe. Elle a choisi un chemisier sombre seyant. Lui est en prison. Elle est libre.
Mais ils sont réunis, ensemble, depuis ce lundi, dans le box des accusés de la cour d’assises de Nancy. Car ils ont été un couple autrefois et leur vie conjugale s’est terminée par un crime. Benoît Reichhart est en effet jugé pour avoir donné des coups mortels à leur fils de 2 mois et Julie Schweitzer pour ne pas l’avoir dénoncé. L’infanticide s’est déroulé dans leur appartement de Vandœuvre le 22 septembre 2013.
Lorsque la présidente des assises résume les faits, en début de procès, les deux accusés sont aux antipodes. Le quadragénaire a l’air pétrifié et reste les yeux dans le vague. La jeune femme tortille un mouchoir en papier et a du mal à refréner des sanglots. Elle bascule ensuite vers la contestation et l’énervement lorsque la parole est donnée à son ex-compagnon.
Il y a même quelques éclats entre eux, presque un début de scène de ménage, lorsque l’homme réplique. Ce qui est rare. Le père infanticide est le plus souvent amorphe. A peine capable de commenter l’histoire de sa vie, thème central de la première journée de son procès. Pourtant, le quadragénaire ne déteste pas d’ordinaire parler de lui. « Il m’a raconté sa vie comme s’il me racontait une histoire. Il parlait beaucoup et bien », indique ainsi l’enquêtrice de personnalité.
« Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? »
Mais c’est un tout autre homme qui est devant les jurés. Les calmants et les puissants neuroleptiques, qui lui sont prescrits en détention, y sont sans doute pour quelque chose. La détresse morale aussi. Pas d’argent, pas de visite en détention, Benoît Reichhart est un prisonnier solitaire qui a dégringolé dans un abîme sans fond.
Il charge mollement ses parents, surtout sa mère, accusée de ne jamais lui avoir témoigné « le moindre amour ». Mais il suffit de deux ou trois questions pour qu’il concède que c’est plus « une impression » qu’une réalité. En fait, il est issu d’une famille de classe moyenne sans problème particulier. Hormis un divorce des parents lorsque l’accusé avait la vingtaine.
Cela n’expliquerait toutefois pas sa plongée dans l’héroïne. La drogue est la seule constante de son existence chaotique. Le reste est une suite ininterrompue d’échecs professionnels et sentimentaux. « Qu’est-ce qui vous pousse à prendre des produits stupéfiants ? Qu’est-ce qui ne va pas chez vous », tente de comprendre son avocat, Me Philippe Guillemard. « Je sais pas… C’est autodestructeur… », bredouille le père infanticide, qui, le plus souvent, répond mécaniquement oui ou non aux questions, presque au hasard.
A l’inverse, sa compagne décrit avec force paroles et digressions ses propres problèmes familiaux et sa chute, elle aussi, dans la drogue. Ce n’est pas forcément plus clair que les silences de Benoît Reichhart. Cela ne permet pas, en tout cas, de comprendre comment la rencontre de deux déchéances a pu se solder par la mort d’un bébé de deux mois. C’est d’autant plus incompréhensible que le couple de toxicomanes était suivi par un nombre impressionnant de travailleurs sociaux et de médecins. En particulier une pédiatre qui est passée à côté des violences dont était victime le petit garçon. Elle devrait être interrogée ce mardi.
http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2016/05/10/pere-infanticide-a-la-cour-d-assises-de-nancy-comprendre-l-incomprehensible

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