lundi 2 mai 2016

Superflic ou ripou ? Michel Neyret jugé à partir de lundi à Paris pour corruption

L'ex-numéro 2 de la PJ de Lyon Michel Neyret comparaît à partir de lundi à Paris en correctionnelle avec huit autres prévenus dans une affaire de corruption présumée. Les relations ambiguës entre policiers et "indics", sur fond de trafic de stupéfiants, seront au coeur des débats.
Grand flic ou ripou : l'ex-numéro 2 de la PJ de Lyon Michel Neyret comparaît lundi à Paris en correctionnelle avec huit autres prévenus dans une affaire de corruption présumée où les relations ambiguës entre policiers et "indics" seront au cœur des débats du tribunal.
  
L'affaire a créé un traumatisme dans la police. Après trente-deux ans de carrière dont vingt à la tête de la prestigieuse brigade antigang de Lyon, Michel Neyret, adulé par ses équipes et ses supérieurs et décoré de la Légion d'honneur pour ses résultats, était une légende au moment de sa chute. Le 29 septembre 2011, il était interpellé à son domicile par la police des polices. Mis en examen pour corruption, il sera écroué huit mois avant d'être révoqué de la police et mis à la retraite. Ironie de l'histoire, l'un des faits d'armes du policier fut l'arrestation en 1990 d'un gang de braqueurs où sévissaient des flics ripoux. Il incarnait alors l'honneur de la police, un superflic.    

10 ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende encourus

Habitué des salles d'audience où il a souvent présenté les résultats de ses enquêtes, Michel Neyret, 60 ans, occupera cette fois le banc des prévenus. La justice le soupçonne d'avoir renseigné des membres du milieu lyonnais en échange d'avantages et d'avoir prélevé sa dîme sur des saisies de stupéfiants. Poursuivi pour huit délits dont corruption et trafic d'influence passifs et détournement de scellés de stupéfiant, il encourt 10 ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende.

Huit autres prévenus sont appelés à comparaître à ses côtés, dont son épouse Nicole, l'ex-patron de l'antenne de Grenoble de la PJ Christophe Gavat et deux anciens des "stups" de Lyon, Jean-Paul Marty et Gilles Guillotin. Trois membres présumés du milieu lyonnais, Gilles Benichou, son cousin Stéphane Alzraa et Cyril Astruc seront également jugés, ainsi qu'un avocat, David Metaxas. Stéphane Alzraa, en fuite, sera représenté par Me David Olivier Kaminski.

Neyret, le "joker" d'un membre du grand banditisme lyonnais

L'affaire débute en février 2011 en marge d'une enquête sur une saisie de cocaïne en région parisienne. Les policiers captent une étrange conversation où un inconnu assure à un suspect sur écoute qu'il peut lui venir en aide grâce à un ponte de la police, "un joker" qui "ne peut rien (lui) refuser". Son nom : Michel Neyret. Le vantard se nomme Gilles Benichou. Connu pour des affaires d'escroqueries, il a joué les indics avant d'être "black listé" pour manque de fiabilité. 
L'enregistrement de ses conversations puis de celles de Michel Neyret, également placé sur écoute, sont à la base du dossier pénal. L'enquête judiciaire montre que Michel Neyret est intervenu à plusieurs reprises en faveur de Benichou et de ses proches, dont Alzraa et Astruc, soupçonnés d'être impliqués dans une escroquerie aux quotas carbone. Le policier leur a fourni des informations, documents de police confidentiels et n'a pas hésité à plaider leur cause auprès de collègues et de magistrats.

Selon l'accusation, l'ex-super flic aurait bénéficié en échange de séjours au Maroc et sur la côte d'Azur dans de luxueux hôtels, de montres de prix et de remises d'espèces avant la création d'une société suisse au nom de son épouse avec un compte à Dubaï où il aurait dû percevoir des commissions, selon Benichou. Le policier est également poursuivi pour s'être procuré ou avoir tenté de se procurer du cannabis provenant de saisies pour rétribuer des informateurs.
  
"Faire taire les hypocrisies de façade"

"Que Michel Neyret ait commis des maladresses, des imprudences, c'est indéniable", concède son avocat Me Gabriel Versini, tout en contestant que "ces éléments soient sources d'infractions". Il appelle à "faire taire les hypocrisies de façade" sur des pratiques policières anciennes.

Le commissaire a affirmé que son action avait été dirigée pour "le bien du service avec la volonté d'obtenir des résultats" et que cela passait "par une politique offensive de recueil de renseignements qui sous-tendait l'existence d'informateurs de haut niveau". Ses relations avec Gilles Benichou étaient, selon Me Versini, autant dictées par la volonté d'obtenir de lui des informations que par l'amitié. Le procès est prévu jusqu'au 24 mai.
 
 

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