mardi 6 décembre 2016

A-t-elle tué son compagnon pour se protéger de lui ou de la rupture?

Depuis hier et jusqu'à vendredi, Sylvie Rotsaert est jugée à Carcassonne pour le meurtre en 2010, à Gruissan, de son conjoint Jean-Louis Desprats. La victime se disait menacée, mais l'accusée parle de légitime défense.
Lequel des deux était le bourreau ? Lequel des deux était harcelé, menacé ? Telles sont les questions auxquelles la cour d'Assises devra répondre pour décider du sort de Sylvie Rotsaert. Aujourd'hui âgée de 51 ans, elle comparaît pour le meurtre, le 11 juillet 2010, de son compagnon Jean-Louis Desprats. Les faits ne sont pas niés… Mais reste encore à établir la vérité, entre une accusée qui affirmait subir des violences, et une victime qui s'est dite à plusieurs reprises menacée par sa compagne.

Hémorragie interne

Le drame s'est donc noué un soir d'été, à Gruissan, sur le quai de la Capitainerie. C'est là qu'était amarré le «P'tit bouchon», bateau de Jean-Louis Desprats. Employé au conseil général de Haute-Garonne, il y venait le week-end et retrouvait Sylvie Rotsaert, qui habitait la station depuis 1997. Ce jour-là, le couple avait effectué une journée en mer avec des amis : rien, alors, ne laissait présager ce qui allait se passer.
Les gendarmes gruissanais sont alertés vers 21 h 50 : à l'intérieur de l'embarcation, ils trouvent les secours affairés autour de Jean-Louis Desprats, au sol et torse nu. A côté d'eux se tient Sylvie Rotsaert : dans un état d'extrême nervosité, elle gêne pompiers et enquêteurs à plusieurs reprises, répétant sans cesse la même phrase. «Je ne voulais pas, ce n'est pas ma faute, je lui avais dit de ne pas me toucher à nouveau», lit la présidente Anne Haye. Quelques minutes plus tôt, elle avait poignardé son compagnon au flanc gauche à l'aide d'un couteau de cuisine. Dans l'incapacité d'être entendue, Sylvie Rotsaert avait alors été hospitalisée d'office.

Plainte contre main courante

Si la plaie de 2 cm semblait bénigne de prime abord (pas de saignement apparent), la lame avait en fait provoqué une grave hémorragie interne : Jean-Louis Desprats décédera dans la nuit du 11 au 12 juillet. Il avait 55 ans. Les enquêteurs, dès lors, se sont efforcés de comprendre comment on en était arrivé là. Levant peu à peu le voile sur la réalité d'une relation difficile sur fond d'alcoolisme, conduisant chaque membre du couple à accuser l'autre d'agressions multiples.
Hier encore, Sylvie Rotsaert a ainsi répété avoir subi durant des années violences physiques et sexuelles de la part de son conjoint. Elle avait d'ailleurs déposé une plainte en 2008 avant de la retirer, puis de la réitérer l'année suivante. Entre-temps, elle avait aussi attenté à ses jours.
La version que livre l'accusée de la soirée du 11 juillet 2010 est de la même teneur : ivre, son conjoint aurait voulu la forcer à des actes sexuels, l'empêchant de quitter le bateau et levant la main sur elle à plusieurs reprises. C'est en se protégeant que Sylvie Rotsaert aurait saisi sans regarder la première chose qui lui passait sous la main, puis frappé sans réfléchir. C'est elle, d'ailleurs, qui a contacté les secours.
Seulement voilà : les confessions de Jean-Louis Desprats à ses proches livraient une situation très différente. L'homme, qui disait avoir déjà reçu un coup de cafetière au visage et un coup de couteau dans le dos, avait déposé une main courante à Toulouse… Et affirmait que Sylvie Rotsaert menaçait de le tuer s'il décidait de la quitter. Deux versions, donc, mais une certitude à ce stade des débats : la place de la boisson dans ces rapports destructeurs. Ce soir-là, tous deux avaient dépassé les 1,50 g d'alcool dans le sang.
 

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