mercredi 28 décembre 2016

Graciée, Jacqueline Sauvage est sortie de prison


Condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, cette femme de 69 ans est devenue le symbole des victimes de violences conjugales. La grâce totale du président de la République accordée mercredi a immédiatement mis fin à sa détention.
Au lendemain de son anniversaire, Jacqueline Sauvage est sortie de prison. Le président de la République, François Hollande, a accordé mercredi à cette femme de 69 ans, condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, «une remise gracieuse du reliquat de sa peine d'emprisonnement». Cette décision met fin «immédiatement à sa détention», a annoncé l'Élysée. Le chef de l'État «qui suit ce dossier depuis de nombreux mois, a estimé que la place de Jacqueline Sauvage n'était plus en prison mais en liberté, auprès de sa famille, a poursuivi le palais présidentiel au Figaro. Tout le monde connaît l'histoire de cette femme qui a certes été condamnée, mais qui a aussi été victime de violences toute sa vie. C'est d'ailleurs justement pour cela que le droit de grâce existe: pour apprécier les situations humaines exceptionnelles».
Devenue le symbole des victimes de violences conjugales, Jacqueline Sauvage avait été condamnée en décembre 2015 à dix ans de réclusion criminelle pour avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012, après des années d'un enfer conjugal fait de coups et d'abus sexuels sur elle et ses enfants. Ses trois filles, qui n'ont cessé de la soutenir, avaient témoigné à charge contre leur père, expliquant avoir été violées et battues, comme l'était leur mère.
Son cas avait ému des associations féministes, des personnalités du monde de la culture, des responsables politiques et des pétitions appelant à sa libération avaient circulé, dont l'une avait recueilli près de 436.000 signatures. Le président Hollande lui avait accordé une première grâce partielle en début d'année, notamment de la période de sûreté, lui permettant de présenter immédiatement une demande de libération conditionnelle. Cette demande avait toutefois été rejetée en première instance, puis en appel. La cour d'appel de Paris avait notamment estimé que la réflexion de Jacqueline Sauvage demeurait «pauvre et limitée puisqu'elle pein[ait] encore» à accéder à un «authentique sentiment de culpabilité».
Contactée par France Info, la secrétaire générale de l'Union syndicale de la magistrature, Céline Parisot, s'est montrée critique vis-à-vis de la décision de François Hollande. «Déjà, la grâce partielle, ce n'était pas terrible mais là, la grâce totale, quelques mois après, n'a aucun sens. C'était soit la grâce totale tout de suite, soit rien. Le président de la République passe outre la possibilité donnée à la justice de libérer Jacqueline Sauvage, on se rend compte en fait que c'était un ordre». Un sentiment qui n'est pas partagé par le président de la Cour d'appel de Versailles, Serge Portelli, qui a déclaré sur BFMTV: «Il ne s'agit pas de donner un permis de tuer (...) Il faut quand même faire preuve d'une certaine compréhension et je pense que le président de la République l'a fait en toute sagesse».

«Je suis très secouée, je ne m'y attendais pas»

Dans une lettre adressée début décembre au président de la République, les trois filles de Jacqueline Sauvage se disaient «désespérées» de ne pas avoir leur mère près d'elles, «inquiètes pour son état de santé» et «craignant pour sa vie». Elles disaient aussi ne «plus» savoir «comment intervenir face à toutes ces interminables procédures qui n'aboutissent pas». Un comité de soutien présidé par la comédienne Éva Darlan avait parallèlement exhorté «solennellement» le président Hollande de la «libérer, en lui accordant la grâce totale et immédiate».
L'avocate de Jacqueline Sauvage, Me Nathalie Tomasini, s'est dite «terrassée par la joie et l'émotion» après avoir «porté ce dossier à bout de bras». «C'est le résultat d'un an de travail acharné, on a porté ce dossier à bout de bras», a ajouté le conseil. La fille de Jacqueline Sauvage, Carole Marot, a quant à elle exprimé son bonheur sur France Info, alors qu'elle se dirigeait vers la prison de Réau, en Seine-et-Marne, pour aller chercher sa mère. «Je suis très secouée, je ne m'y attendais pas. Je n'ai rien reçu de l'Élysée, c'est ma sœur Fabienne qui a été prévenue. Je suis très heureuse. C'est un très très grand bonheur. J'en pleure, c'est merveilleux (...) On y croyait sans y croire. Un merci infini au président de la République», a-t-elle indiqué. Un bonheur partagé par la comédienne Eva Darlan, qui parle d'une «annonce surprise». «On attendait ça pour les vœux ou les premiers jours de janvier. C'est formidable, je suis soulagée, je vais pouvoir enfin dormir. Cette nuit encore, j'ai fait un recueil de personnalités qui ont écrit à François Hollande pour lui demander la grâce totale», explique-t-elle.
L'association Osez le Féminisme s'est également félicité de cette décision: «On est extrêmement heureuses que Jacqueline Sauvage soit enfin graciée. C'est le fruit de l'union de toutes les associations féministes et, plus largement, de la mobilisation massive qui a eu lieu. Ce qu'on espère maintenant, c'est que son cas va pouvoir servir pour fonder de vraies politiques de prise en charge des femmes victimes de violences, pour qu'il n'y ait plus jamais besoin d'accorder la grâce à des femmes dans des situations aussi terribles», a déclaré une porte-parole, Marie Allibert.

Une décision unanimement saluée par la classe politique

La député-maire Les Républicains du 6e secteur de Marseille, Valérie Boyer, insiste sur le fait qu'«à aucun moment la justice ne lui a tendu la main». La parlementaire, qui avait réuni 83 élus autour d'une pétition pour soutenir la demande de grâce adressée au président par les filles de la condamnée, juge également que «c'est le dysfonctionnement du système judiciaire qui amène à ce genre de situation exceptionnelle».
Outre la porte-parole de François Fillon, ils sont nombreux, à droite comme à gauche, à avoir salué le geste de François Hollande. L'ancien ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s'est «réjoui» de la grâce de Jacqueline Sauvage, tout comme l'ancien premier ministre, Manuel Valls, qui a salué la «décision humaine» du chef de l'État, et appelle à poursuivre «le combat contre les violences faites aux femmes». Benoît Hamon, candidat à la primaire organisée par le PS, a quant à lui salué «le geste d'une grande humanité du président de la République».
Le fondateur du mouvement En Marche!, Emmanuel Macron, a également rendu hommage au chef de l'État, qui a pris «une décision de sagesse et d'humanité». Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise à l'élection présidentielle, a déclaré: «Je suis heureux de la grâce complète accordée à Jacqueline Sauvage. Comme d'autres, à l'appel du comité et d'Eva Darlan, j'avais réclamé que le président sorte de la demi-mesure d'une grâce “partielle”. Il l'a fait. C'est une décision juste, par-delà la loi écrite, par-delà le bien et le mal, en conscience. Je félicite le comité et Eva Darlan pour leur courageuse et inflexible opiniâtreté
Au centre, le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, a jugé que François Hollande avait «eu raison d'accorder une grâce totale à cette femme dont le martyr a été incompris par tous les Français». Marine Le Pen a quant à elle salué «une décision sage... mais tardive».
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/12/28/01016-20161228ARTFIG00211-graciee-jacqueline-sauvage-est-sortie-de-prison.php

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