mardi 14 février 2017

Les orteils écrasés par 800 kg de ferraille

Florent arrive à la barre en boitant légèrement. Le jeune homme vient raconter ce qui lui est arrivé le 30 octobre 2012 à Louey, au sein de l'entreprise Nestadour, qu'il a intégrée en tant qu'intérimaire. Il est là depuis déjà plusieurs semaines quand le drame survient : «J'avais placé des tubes en métal sur le pont roulant pour les acheminer vers l'atelier peinture, explique le jeune homme. Mais un autre pont avait été laissé en travers et une grande poutre métallique en arc de cercle a accroché le mien. Elle est tombée directement sur mon pied. Et la chaussure de sécurité n'y a rien fait évidemment.» 800 kg, ça ne pardonne pas. Florent est conduit à l'hôpital, mais malgré les soins reçus, il faudra lui amputer les cinq orteils de son pied gauche : «un écrasement délabrant» de son pied a été décrit par les médecins. Ce qu'on reproche à Nestadour, c'est l'absence de formation à la sécurité. A la barre, Florent continue d'expliquer : «C'est un autre ouvrier qui m'a expliqué comment ça marchait quand je suis arrivé. Et c'est tout. J'ai commencé le jour même.» Pas de plan écrit, pas de temps réel pour une formation adéquate à la sécurité. Mais Nestadour se défend, via son nouveau directeur : «Il y a eu une erreur de manipulation du pont. Et la formation était prévue pour lui la semaine suivante.» La présidente Gadoullet coupe sèchement : «La formation, c'est avant qu'il fallait la faire ! Pas après l'accident. Et on ne peut pas faire de la formation à la sauvette par l'ouvrier d'à côté.» Quant à l'expert mandaté sur les lieux, il n'a été prévenu que trois semaines plus tard. Pour y voir quelque chose, c'était coton. En revanche, ce qui était particulièrement clair, c'est qu'aucune trace de formation écrite, pourtant obligatoire, n'a été trouvée. «Les choses ont changé et ont été améliorées, plaide Nestadour. Nous avons nommé un responsable de la sécurité et formé spécialement un formateur.» Pour Me Arcaute, partie civile : «C'était l'école de la débrouille. Florent va payer toute sa vie cette incurie». Élodie Goyard, la procureure, ne va pas dire autre chose : «La défense va nous plaider la relaxe en disant que les explications des anciens suffisent. C'est faux ! J'observe qu'il a fallu pas moins de deux accidents dramatiques, dont un mortel, pour que tout rentre dans l'ordre. J e me demande aussi si des choix d'économies n'ont pas été faits au détriment de la sécurité, ce qui représente tout de même quelque 30 000 € par an. On est en droit de se poser la question». Pour la défense de Me Tassigny, c'est effectivement la relaxe qui est demandée : «Celui qui forme le mieux, c'est celui qui a déjà occupé le poste. Il y a un intérêt collectif à se former, c'est évident». Pas pour le tribunal : Nestadour est déclaré coupable et condamné à 5 000 € d'amende, dont 2 500 avec sursis et devra verser à Florent 800 € au titre de l'article 475-1.
http://www.ladepeche.fr/grand-sud/hautes-pyrenees/

Aucun commentaire: