mercredi 17 mai 2017

"Nous avons un sentiment mitigé sur la culpabilité de Francis Heaulme" : des plaidoiries à contre-courant

Si la complexité de l’affaire de Montigny-les-Metz devait se résumer en une séquence, ce serait sans doute celle de mardi. Dans la salle d’audience de la cour d’assises de Metz, les avocats des parties civiles ont plaidé dans une cacophonie retentissante. Symbole de deux familles un temps unies dans le malheur et ballottées depuis d’un accusé à l’autre. Trente ans après le meurtre des deux enfants et cinq procès plus tard, elles n’arrivent plus à parler d’une même voix. 

"Disons le tout de suite, nous avons un sentiment mitigé sur la culpabilité de Francis Heaulme", entame Dominique Rondu, l’avocat "historique" de la grand-mère paternelle d’Alexandre Beckrich, une des deux petites victimes. La conviction de Ginette Beckrich s’est forgée en 1989 lorsque Patrick Dils a été condamné pour le double meurtre de Montigny-les-Metz. Et depuis, elle n’a plus bougé. Si son avocat assure qu’il ne veut pas "revenir sur l’acquittement" prononcé en sa faveur en 2002, il relit pourtant une partie des aveux de l’adolescent d’alors. 
Nous ne voulons pas d'un coupable de substitution"
"Avoir une opinion, prévient-il en se tournant vers les jurés, ce n’est pas rendre un jugement. Les familles ont un droit, vous, vous avez un devoir. Votre devoir, c’est de leur dire 'nous sommes absolument certains de la culpabilité de celui qui est dans le box'". Et avant de démonter point par point les éléments à charge contre le "routard du crime", l’homme prend soin de les libérer quant à un éventuel acquittement : "Si au terme de votre réflexion, cela devient une mission impossible, sachez que ceux que je défends ne vous en feront pas grief et salueraient même votre courage. Les familles ne veulent pas que, au plus fort de vos hésitations, et au prétexte que l’accusé est serial killer et qu’il va finir sa vie en prison, vous vous disiez qu’une condamnation de plus ou de moins ne changera rien. Nous ne voulons pas d’un coupable de substitution".

Thierry Moser, l’avocat des parents d’Alexandre, avoue être pour la première fois face à un "cas de conscience". "Je suis loyal avec mes clients. Mais je ne suis pas seulement l’avocat de M. et Mme Beckrich, je suis un auxiliaire de justice. Je suis conscient que ce que je vais dire pourra les heurter, les décevoir mais j’ai le devoir d’exprimer le fond de ma pensée afin d’être en paix avec ma conscience", développe-t-il. Mme Beckrich et sa fille quittent la salle. Me Moser a décidé de plaider à contre-courant de ses clients qui n’ont "pas saisi, accepté, assimilé l’acquittement" de Patrick Dils. 
J’ai changé d’avis"
"Pour ma part, poursuit Me Moser, je le dis sans ambages, j’ai la totale conviction de la culpabilité de Francis Heaulme". Et face à un dossier qui manque cruellement de "preuves matérielles", l’avocat oppose les éléments "troublants" et "concordants" qui permettent "d’aboutir à une certitude de culpabilité". Patrice Buisson, l’avocat du père de Cyril Beining (l'autre victime), a lui aussi retourné sa robe. 

"J’étais convaincu de la culpabilité de Dils, j’ai changé d’avis", explique-t-il en s’appuyant sur le rapport des gendarmes venus détaillés les similitudes des crimes de Montigny et ceux du tueur en série. Pour lui, comme son client, "Francis Heaulme était là". "Quoi qu'il arrive, il n'y aura pas d'autre procès d'assises, ce sera sans nous. Je souhaite que la justice passe avec celui-là, conclut-il en faisant un signe de la tête vers l’accusé. Et surtout qu’on laisse tranquille les familles et les renvoient à leur chagrin"
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