mercredi 7 février 2018

ENQUETE FRANCEINFO. "Réservé", "chétif", "amoureux"... Jonathann Daval, de gendre idéal à meurtrier présumé

C’était il y a trois semaines. "Il marchait sur le trottoir et je lui ai demandé : 'Ça va mieux mon gamin ?' Il m’a dit : 'Oui, ça va mieux'". Du haut de son perron, la voisine de Jonathann Daval se souvient des rares instants où l'informaticien de 34 ans est sorti de sa maison, depuis la mort de son épouse Alexia. "Tout était fermé, il vivait les volets clos, il n’ouvrait plus devant." C’est dans ce pavillon de couleur rose pâle de Gray-la-Ville (Haute-Saône) que le drame se serait joué.
Trois mois durant, Jonathann Daval n’offre qu’un seul visage aux habitants et aux caméras venues en nombre. Celui d’un jeune homme anéanti par le chagrin. Jusqu’au 30 janvier, où il avoue : c'est lui qui a étranglé sa femme.

"Jamais un mot plus haut que l'autre"

A Gray, Jonathann est bien connu. C'est un enfant du coin. Il naît le 16 janvier 1984 – il a quatre frères et deux sœurs – dans une famille installée dans un pavillon à Velet, petit village voisin de 500 habitants. Sa mère y vit toujours. Depuis le drame, les Daval se retrouvent régulièrement chez elle. Ils partagent les repas, font les courses ensemble et se méfient à chaque fois que la sonnette résonne.
La petite tribu est orpheline du père, mort brutalement. "Une fracture que les Daval ont toujours gardée en eux", assure une proche à L’Est républicain. Une amie du jeune homme affirme au journal que "Jonathann en parlait peu, il était trop pudique et réservé pour s’épancher". Adolescent, il aime retrouver sa bande de potes "pour bricoler leurs scooters et parler de foot et des filles", assure Paris Match. "Il était déjà timide par rapport à nous, il ne se mêlait pas trop des conversations, raconte un de ses amis de l'époque au magazine. Quand il intervenait, il disait un mot ou deux et c’est tout."
Au travail aussi, le jeune homme ne fait pas de vagues. Il est employé depuis douze ans dans la société de conseil en informatique Fourot. Sur BFM, son patron le décrit comme une personne "consciencieuse" et "disponible". "C’est un gamin qui vous rendait service même en dehors du travail", abonde Maria Charton, qui a fait appel à ses compétences. Jonathann lui réparait son ordinateur. "Il était très timide, très réservé mais aussi courtois et respectueux et d’une patience phénoménale." Il n'avait "jamais un mot plus haut que l’autre", complète un membre d’une association sportive locale. 

J'ai trouvé la femme de ma vie"

Responsable de La Grayloise, un événement sportif organisé chaque année dans la commune, Maria Charton partage la même passion que Jonathann : la course à pied. "On échangeait beaucoup dessus, je lui apportais mon expérience. Il avait aussi un tapis de course chez lui et il progressait rapidement". Jonathann s’aligne régulièrement sur des semi-marathons et des dix kilomètres, avec de bonnes performances. "Il faisait 1h16 sur semi-marathon", salue un sportif local.
Il n’aimait pas parler de sa vie privée.
En douze ans d'amitié, Maria Charton n'a jamais vu Alexia et Jonathann ensemble. Elle a aperçu l'épouse une seule fois, lors de la première édition de La Grayloise. La quinquagénaire se souvient avoir parfois entendu Jonathann évoquer son épouse. "Alexia, c’était tout pour lui. Il disait : 'J’ai trouvé la femme de ma vie.'"
Le couple se rencontre adolescent, lors d’un séjour au ski. Près de dix ans plus tard, elle devient son épouse en juillet 2015, à l'occasion d'une cérémonie organisée à la mairie de Gray. Ils emménagent dans un premier temps dans une maison mitoyenne à celle des parents d’Alexia, avant de s’installer, il y a un peu plus d'un an, rue de Sonjour à Gray-la-Ville, dans un pavillon appartenant aux grands-parents de la jeune femme. 
Les deux amoureux se lancent dans des grands travaux et Jonathann se retrousse les manches pour creuser la piscine qu’elle voulait. "On voulait organiser quelque chose pour faire connaissance, mais on n’a pas eu le temps", regrette leur voisine. Elle aussi se remémore "un garçon tout calme, timide, pas exubérant" "On aurait dit un ado, il était tout chétif, ce n’était pas un mec viril."
Dans l'intimité, "le couple, qui avait des difficultés à avoir un enfant, connaissait de vives tensions", selon des sources concordantes citées par l'AFP. En apparence, ils semblent heu
Instituteur, Benjamin a côtoyé le couple entre 2011 et 2013. A l'époque, Alexia tente – sans succès – le concours de professeur des écoles. Il se souvient "avoir bu des bières avec Jonathann" : "Je le trouvais très poli. Ce n’était pas un boute-en-train, mais ce n’était pas non plus une plante verte."

Une relation très forte avec ses beaux-parents

Dès le début de leur rencontre, Alexia et Jonathann fréquentent régulièrement les parents de la jeune femme. "Ils venaient boire leur chocolat, puis elle aidait au bar", se rappelle une ancienne employée du PMU "La Terrasse", tenu par les parents d’Alexia.
 "Ils partaient le week-end, faisaient un signe de main", ajoute-t-elle.
Une proximité qui perdure, voire se renforce après la mort d'Alexia. Lors de la marche blanche organisée en mémoire de la jeune femme, ses parents ne lâchent pas d'une semelle leur gendre. Tous les deux soutiennent par le bras Jonathann, visiblement très éprouvé. "Elle était mon oxygène, la force qui me poussait à me surpasser", murmure-t-il au micro, devant les 8 000 personnes venues les soutenir. La scène se répète quatre jours plus tard, pendant les obsèques. "Je souhaite à tout le monde d’avoir un gendre comme Jonathann", déclare même Jean-Pierre Fouillot dans la basilique de la ville. 
Dans les jours qui suivent, Jonathann peut plus que jamais compter sur sa belle-famille. Les voisins assistent aux allées et venues des proches, qui se relaient pour ne pas le laisser seul. Une tante d’Alexia raconte qu’il mangeait chez ses beaux-parents "tous les jours". Ces derniers sont loin, très loin d’imaginer les aveux à venir.
A Gray, ils sont pourtant quelques-uns à imaginer le pire. Et si c’était Jonathann qui avait tué son épouse ? Sur les réseaux sociaux, des détectives 2.0 en sont persuadés. Son avocat est même obligé de couper court aux folles rumeurs"Il a découvert tout cela sur les réseaux sociaux avec effarement ! Il se demande comment on peut penser une telle chose, c'est très violent", s'emporte Randall Schwerdorffer dans Le Parisienfin novembre.
Maria Charton n’y croit pas une seconde. Le 16 novembre, elle lui envoie un SMS, que franceinfo a pu lire. Elle est là pour lui en cas de besoin. "Ne tiens pas compte des sales rumeurs (...). Nous t’embrassons très fort", écrit-elle. Jonathann lui répond dans la foulée : "Certaines personnes sont cruelles et sans cœur. J’essaie de ne pas en tenir compte, mais tout cela me fait très mal au cœur. Gros bisous."
Un proche de Jonathann a parcouru ces commentaires sur internet. "A force de le voir autant harcelé, je me suis dit qu’il allait finir par se suicider, et qu'on dirait que c’est lui", s’agace-t-il. Ce responsable sportif est "le premier à le défendre". Quand il le croise en ville, il a toujours un mot pour lui. "Je l’ai vu en décembre, il venait de retourner au travail. Il m’a dit : 'Il faut bien reprendre'." Quelques jours après les fêtes, Maria Charton croise par hasard Jonathann dans la galerie marchande de Gray. "J’étais contente de pouvoir le consoler, se souvient-elle. Il pleurait sur mon épaule." 
L'image du veuf éploré intrigue tout de même certains membres de la famille d’Alexia. "C’est une somme de petites choses qui m’ont mis la puce à l’oreille", assure Thibault, un cousin, dans les colonnes de La Presse de Gray. Il évoque son attitude à Noël chez les Fouillot. Assis à table, Jonathann semble effacé. "Je ne l’ai jamais entendu avoir un mot pour Alexia." Et son comportement le 28 octobre, le jour de la disparition : "A 12h45, alors qu’elle n’a plus donné de nouvelles depuis deux heures, lui est abattu, dans son canapé, avec un plaid et une tisane. Ça ne se peut pas !" 
Après coup, la tante reconnaît aussi avoir eu "une énorme interrogation" sur ce soi-disant footing du 28 octobre. "Ç'a été la panique tout de suite, il a alerté tout le monde", explique-t-elle à franceinfo. 

Un sentiment de trahison

Jusqu'au bout, les parents d'Alexia se disent "confiants" dans la non-implication de leur gendre dans l'assassinat de leur fille. Mais après deux jours de garde à vue, Jonathann craque. Le 30 janvier, il avoue avoir étranglé sa femme lors d’une violente dispute. Le scénario de la mauvaise rencontre lors d’un footing s’effondre. "C’est moi qui ai fait ça (...) mais c’était un accident, je ne voulais pas que ça arrive", lâche Jonathann devant les policiers, selon L’Est républicain.
"C'est comme une deuxième mort" pour les parents d'Alexia, lâche leur avocat. Pour les autres proches aussi. "Je n’en dors plus de la nuit, je me réveille pour regarder BFM, ça m’a trop perturbée", confie une habitante qui connaissait bien le couple.
L’acte est impardonnable" confie à BFMTV Cédric, l’un des grands frères de Jonathann. "C’est mon frère, c’est notre sang (...), on ne peut pas le laisser tomber", poursuit-il. Mais pour beaucoup, les aveux sonnent comme "une trahison". "Il y a beaucoup de colère, explique la mère du meilleur ami de Jonathann. J’ai eu mon fils au téléphone, il était en pleurs."
Du côté des Fouillot, c’est silence radio. "La famille a passé la consigne de ne pas répondre à la presse", laisse échapper un cousin d'Alexia. Un écriteau a été punaisé au-dessus de la machine à café du bar de ses parents. Dessus, on peut lire ces quelques mots : "Votre silence est le plus beau des hommages. Merci de respecter notre sérénité." 






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