jeudi 22 avril 2010

Acquittée après quatre procès et 13 ans de procédures

Les cloisons du box des accusés avalent littéralement la silhouette de Jacqueline Carrère-Ponthieux et cela semble bien lui convenir. Le meurtre de Gérard Ponthieux, son quatrième mari, commis en pleine nuit il y a douze ans et demi et dans des circonstances non élucidées au premier étage de leur commerce de l'Oise, lui a ôté la flamboyance et l'élégance de patronne de bar qu'elle était alors. Depuis sa sortie de prison il y a dix ans, elle s'est muée, selon son employeur le maire de Liancourt, en "un agent d'entretien communal modèle".
Accusée de complicité d'assassinat, cette femme de 60 ans au visage chiffonné clame son innocence. Elle dit "avoir tout perdu" au fil de l'instruction. Celle-ci, menée de façon lacunaire et ponctuée d'expertises contradictoires, l'ont transformée en coupable idéale. "Je n'ai pas tué mon mari, a-t-elle asséné d'une voix de stentor, lundi 22 mars à l'ouverture des débats devant la cour d'assises d'appel d'Amiens (Somme). Je n'ai pas de sang sur les mains, ni dans le coeur."

Le 22 septembre 1997, au dessus de son bar de Nogent-sur-Oise, Le Sulky, le gérant âgé de 49 ans, gît ensanglanté sur son lit, quand il est découvert par les secours. A ses côtés, en larmes, prostrée, Jacqueline raconte qu'un intrus a tiré le couple du sommeil en réclamant la recette du jour cachée dans le chevet de son époux, avant de l'envoyer au rez-de-chaussée quérir celle du PMU au coffre. A son retour, elle affirme avoir retrouvé son mari, seul, lardé de coups violents dont un ayant entraîné une lésion intracérébrale mortelle.

L'arme du crime, "un objet tranchant peut-être piquant assimilable à un tournevis ou un ciseau à bois", selon un médecin légiste, est introuvable. L'intrus décrit par Jacqueline Carrère-Ponthieux n'a jamais été identifié. Très vite, les soupçons se portent sur elle. Elle est mise en examen et placée en détention provisoire deux ans et demi. Depuis sa sortie de prison, Mme Carrère-Ponthieux a déjà comparu trois fois devant une cour d'assises : mais devant les contradictions des experts, l'affaire n'a cessé d'être renvoyée.

"L'enquête n'a pas été faite dans les règles de l'art", a admis l'avocat général, Jean-Philippe Rivaud au premier jour de ce quatrième procès tandis que le président de la cour d'assises, Samuel Grévin, soulignait les "portes restées ouvertes". A la barre, mardi, le directeur d'enquête, Philippe Pion a confessé n'avoir suivi que la piste d'un empoisonnement de Gérard Ponthieux au GHB , l'annihilante drogue des violeurs : à l'époque, un expert avait soufflé cette hypothèse qui accusait Jacqueline d'empoisonnement. "On a seulement cherché qui avait pu administrer le produit", a-t-il dit.

"Bol alimentaire"

Mais coup de théâtre lors du premier procès : l'expert toxicologue affirme que les progrès de la science pouvaient expliquer que la substance retrouvée soit endogène. Le procès est alors renvoyé en 2005 où un autre collège de spécialistes a soutenu que l'examen du "bol alimentaire" de M. Ponthieux (jambon blanc, sauce tomate, coquillettes et whisky coca) prouvait une mort bien antérieure à l'appel des secours. Jacqueline Carrère-Ponthieux a alors été condamnée à 15 ans de réclusion. Elle fait appel.

Lors du procès en appel en 2008, un pompier volontaire a soutenu que M. Ponthieux "gaspait" comme un agonisant au moment des secours, mettant ainsi à bas la thèse d'une mort très antérieure. L'hypothèse selon laquelle Jacqueline aurait tué son mari bien avant l'arrivée des secours, vacille. Le procès est à nouveau renvoyé.

Mardi, à l'audience, Olivier Jardé, professeur de médecine légale saisi pour un dernier complément d'expertises a mis toutes les blouses blanches d'accord. "Entre les signes négatifs de vie et les signes positifs de mort, se situe l'agonie qui peut durer jusqu'à trois quarts d'heure", a asséné le médecin situant ainsi l'heure de l'agression puis du décès de M. Ponthieux juste avant l'arrivée des secours. Mme Carrère-Ponthieux n'aurait donc pas menti sur l'heure de la supposée agression.

La cour d’assises d’Amiens a acquitté hier Jacqueline Ponthieux qui était accusée d’avoir tué son mari, à coups de tournevis, en 1997 à Nogent-sur-Oise. Elle a toujours affirmé que c’est un cambrioleur qui avait commis le crime. Après quatre procès et treize ans de procédures, elle a donc été entendue.

Le Monde.fr


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