mercredi 16 juin 2010

Procès Kerviel : la preuve par la trésorerie ?

Depuis le début de son procès, Jérôme Kerviel, jugé pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d'euros à la Société Générale, n'a de cesse d'expliquer que ses supérieurs directs ne pouvaient pas ignorer ce qu'il faisait. Dès la reprise de l'audience mardi, il a commencé à expliquer que toutes ses transactions avaient un impact sur sa trésorerie, direct ou du fait des ajustements qu'elles impliquaient. Il a ainsi tenté de démontrer devant le tribunal correctionnel de Paris que l'évolution erratique de cette trésorerie ne pouvait qu'alerter sa hiérarchie sur les opérations hors normes qui lui sont maintenant reprochées
En juillet 2007, le trader, qui avait accumulé des positions astronomiques de 30 milliards d'euros en volume sur des contrats à terme ("futures") portant sur des indices boursiers européens, avait une trésorerie personnelle négative de 2,2 milliards, a établi le dossier lu à l'audience. L'enquête a également établi que cette situation de trésorerie était connue de la hiérarchie du desk "Delta 1" où travaillait le jeune homme, puisqu'elle disposait de rapports hebdomadaires avec, ligne par ligne, le crédit ou débit de chaque poste de trading. La représentante de la banque l'a reconnu à l'audience. Mais pour Claire Dumas, il n'y avait rien d'inquiétant. "Quand on voit cela, on ne prend pas du tout une crise cardiaque", a-t-elle expliqué. Selon elle, "une situation de trésorerie n'est pas forcément (la conséquence) d'une activité ou d'un résultat". Elle a pris l'exemple d'un industriel qui, avant d'encaisser le paiement d'une grosse commande, est négatif en trésorerie pour payer la fabrication, sans que ce soit forcément grave. Par ailleurs, a-t-elle dit, Jérôme Kerviel a réalisé des opérations fictives pour masquer le fait que cette trésorerie était en réalité problématique.

"Ça se voyait qu'il prenait des grosses positions"

Jérôme Kerviel a bien sûr contesté cette interprétation : "(La trésorerie) est le reflet de l'activité que vous avez. Sur l'activité qui était la mienne, pour info, je faisais un reporting toutes les semaines avec le niveau de ma trésorerie", a-t-il expliqué. Me Olivier Metzner, son avocat, a souligné que, pour boucher le "trou" de sa trésorerie, Jérôme Kerviel avait aussi réalisé à l'été 2007 une vraie opération : un emprunt d'un milliard d'euros à la Société générale, donc en circuit fermé. "C'était visible dans les comptes de la Société générale et la banque prélevait tous les jours des intérêts sur le compte de trading de Jérôme Kerviel", a souligné l'avocat, sans être contredit par la banque.

La situation de trésorerie de Jérôme Kerviel s'est ensuite redressée pour atteindre 1,4 milliard d'euros en décembre 2007. C'est seulement lorsque la Société générale, disant découvrir la situation le 18 janvier 2008, a entrepris de déboucler les positions de son trader, en pleine déroute des marchés, que le solde final est passé à une perte de 4,9 milliards.

Taoufik Zizi, ancien trader junior qui travaillait avec Jérôme Kerviel, a affirmé à la barre que la hiérarchie de leur unité savait forcément que ses méthodes étaient peu orthodoxes, même si elle a pu ignorer l'ampleur des engagements. "On peut être discret et cacher ses positions. Mais la hiérarchie, peut-être que les positions prises, elle ignorait (les montants). Mais ça se voyait qu'il prenait des grosses positions", a-t-il dit. Selon lui, les traders prenaient fréquemment des positions dites "directionnelles", en tendance, alors qu'en principe ce desk ne faisait que de l'arbitrage, méthode consistant à écarter tout risque en prenant deux positions en sens inverse sur le même produit.
http://lci.tf1.fr/france/justice/2010-06/proces-kerviel-la-preuve-par-la-tresorerie-5882492.html

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