mardi 20 juillet 2010

«Les frères siamois de l'horreur»

L'histoire aurait pu inspirer Henning Mankell, auteur de polar suédois*. Elle se passe dans le nord de la France, en février 1997. Dans la nuit du 11 au 12, plus précisément. C'est soir de carnaval au Portel, dans la banlieue de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et malgré la pluie, Isabelle, Audrey, Peggy et Amélie sont de sortie. Les deux premières sont soeurs, leurs deux amies également. Toutes sont âgées entre 17 et 20 ans. Elles ont revêtu leur costume de carnaval: une colombine, une marquise, une indienne et un mousquetaire.

Après l'incendie de Monsieur Carnaval, les jeunes filles prennent la route d'Equihen-Plage, où la fête doit se poursuivre jusqu'à 7h. Elles sont aperçues pour la dernière fois vers 1h. Entre temps, tout bascule dans l'horreur. Il faudra une dizaine de jours à la police pour s'en rendre compte. Celle-ci croit tout d'abord à une fugue. Les recherches sont menées par Gérald Lesigne, procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, celui de l'affaire d'Outreau. Petit à petit, les témoignages évoquent les étranges allées et venues d'une camionnette blanche ce soir là. Une piste qui mène rapidement aux frères Jourdain, deux ferrailleurs originaire de Dannes, un petit village près de la côte.

Violées et battues
Le 21 février, Jean-Louis, l'aîné alors âgé de 37 ans, craque et conduit les policiers là où les quatre corps ont été enterrés «tête-bêche», dans une fosse de sable de la plage Sainte-Cécile, à Camiers. L'autopsie révèle que trois d'entre elles ont été violées et que toutes ont été sévèrement battues à coups de poing avant d'être étranglées. L'une d'elle aurait même été enterrée vivante.

C'est l'effondrement général. D'autant que les deux frères étaient connus pour des faits de violence, l'un ayant été condamné pour attentats à la pudeur et viol [Jean-Louis], l'autre pour meurtre par strangulation sur sa petite amie [Jean-Michel]. Le débat sur la récidive refait déjà surface.

Mère incestueuse et père alcoolique
Les deux hommes, au physique de catcheur et à la mine patibulaire, ont vécu «dans une bicoque de bric et de broc, au milieu des animaux et des détritus», écrit Libération en 2000, année du procès. Issus du deuxième mariage de Jeanne, mère de neuf enfants placés en foyers, et de Louis, rencontré alors qu'il séjournait à la Chartreuse, un établissement psychiatrique. Les deux fils ainsi que leur troisième frère Jean-Luc grandissent entre un père alcoolique et une mère incestueuse dans un climat de violences permanentes.

Ni les auditions des «monstres du boulonnais», ni leur procès devant le tribunal de Saint-Omer n'auront permis de savoir exactement ce qui s'est passé cette nuit-là. Jean-Louis, le grand frère «benêt» et plus bavard raconte qu'ils ont pris en stop les quatre jeunes filles dans leur fourgonnette. Ils les auraient alors emmenées à la plage Sainte-Cécile. Jean-Michel, le cadet, aurait pris les choses en main, violant et tuant chacune d'entre elles, dans un blockhaus, sur la dune ou dans la camionnette, selon les versions. La dernière aurait été contrainte de regarder ses amies et sa soeur morte avant d'être étranglée puis jetée dans la fosse. Selon l'Humanité, Jean-Louis dit n'avoir tué personne, «juste» introduit un doigt dans le sexe de la dernière victime.

Jean-Michel, lui, présenté comme le chef de bande, est resté beaucoup plus mutique, s'en tenant à une version: il aurait quitté son aîné et les quatre filles au blockhaus restant plus d'une heure pour «regarder la mer». Les deux hommes, rebaptisés «les frères siamois de l'horreur» par l'avocat général ont été condamnés en octobre 2000 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de peines de sûreté de vingt-deux et vingt ans de prison. Leurs peines ont été confirmées en appel deux ans plus tard.

* Auteur des Morts de la Saint-Jean, en éditions de Poche
http://www.20minutes.fr/article/585637/Retour-sur-une-affaire-criminelle-1-5-Les-freres-siamois-de-l-horreur.php

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