dimanche 26 septembre 2010

Le général Rondot entendu comme témoin dans deux affaires sensibles

Le général Philippe Rondot, rendu célèbre par ses carnets saisis dans l'affaire Clearstream, doit être entendu lundi par le juge d'instruction antiterroriste en charge des enquêtes sur l'assassinat des moines de Tibéhirine en mars 1996 et l'attentat de Karachi en mai 2002.


Le juge d'instruction Marc Trévidic, qui a succédé à Jean-Louis Bruguière, a obtenu la déclassification de rapports du général Rondot et détient depuis plusieurs mois une copie des carnets de marche du militaire dans lesquels il consignait l'essentiel de son activité de l'ombre.


Entendu en octobre 2006 par le juge Bruguière, Philippe Rondot avait brossé les grandes lignes de son action à la Direction de la surveillance du territoire (DST) lors de l'enlèvement des sept religieux. Les moines avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Leur mort sera annoncée le 23 mai et leurs têtes retrouvées le 30 mai.


S'abritant derrière le secret-défense, le général Rondot avait expliqué avoir activé ses contacts tant à la Direction du contre-espionnage (DCE) algérien que parmi la mouvance islamiste.


Le juge Trévidic est en possession de trois rapports déclassifiés de la DST rédigés les 8 avril, 10 et 27 mai 1996 par le général Rondot. Dans le dernier, il souligne que le groupe de l'émir Djamel Zitouni, qui a revendiqué l'assassinat, a "pour des raisons d'ordre tactique" bénéficié "d'une relative tolérance de la part des services algériens".


Dans ses carnets, que l'AP a pu consulter, le militaire fait état de l'affaire. En mai 2001, il écrit: "notre enquête sur l'affaire des moines de Tibéhirine" et ajoute: "vérifier les transports de Jean-Charles Marchiani à partir de Hyères". En 1996, ce dernier, préfet du Var et homme lige de Charles Pasqua, aurait mené de brèves négociations parallèles pour obtenir la libération des moines.


Le 23 décembre 2002, il écrit à propos du voyage du président Jacques Chirac à Alger "le double jeu de la DRS (Direction du renseignement et de la sécurité algérienne)" suivi par une double flèche renvoyant sur les "services français" et le "GIA", mot sous lequel il mentionne: "Ex: l'affaire des moines de Tibéhirine".


Le 22 janvier 2004, il note déjeuner "à la popote" avec le juge Bruguière pour évoquer les affaires "Tibéhirine" et "Seurat", du nom de ce chercheur enlevé à Beyrouth en 1985 et dont la mort a été annoncée en 1986.


En juin 2009, l'ancien attaché militaire de l'ambassade de France à Alger, entendu par le juge Trévidic, avait affirmé que les religieux étaient morts lors d'une opération de l'armée algérienne et qu'informées de cette "bavure" les autorités françaises auraient gardé le silence. Il disait tenir cette information d'un militaire algérien ayant participé à un raid aérien dans lequel les moines seraient morts.


Les carnets du militaire intéressent également le juge Trévidic pour leurs annotations sur l'attentat de Karachi qui, le 22 mai 2002, a coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant sur les chantiers de la Direction des constructions navales. Le lendemain de l'attentat, à l'issue d'un entretien avec Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, il note: "interrogations sur le rôle de l'ISI", les services secrets pakistanais.


Le général se rendra en juin 2002 au Pakistan, rédigera un compte-rendu à ses supérieurs et fait état d'un télégramme diplomatique. Le 19 septembre au matin, il reçoit un appel téléphonique du directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, qui "s'étonne d'apprendre par la presse l'arrestation d'un suspect de l'attentat DCN-Karachi", note assortie de "pourquoi la DGSE n'a pas réagi (MAM)".


Après avoir longtemps privilégié la piste al-Qaïda, la justice française semble dorénavant considérer que l'attentat pourrait provenir d'une règlement de compte entre le Pakistan et la France, lié à l'arrêt de commissions versées en marge d'un contrat de vente de trois sous-marins au Pakistan en 1994. AP
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100925.FAP8585/le-general-rondot-entendu-comme-temoin-dans-deux-affaires-sensibles.html

Aucun commentaire: