jeudi 3 mars 2011

Procès d'Aziz Hamries : les experts contestés

Les avocats de la défense pointent les erreurs ou limites des expertises. Le verdict est attendu demain
Son témoignage, pilier de l'accusation était très attendu. Ilham Haddaji, ancienne compagne d'Aziz Hamri, jugé depuis lundi par la cour d'assises de la Gironde, a été longuement entendue, hier soir. Elle maintient que l'accusé lui a confié un jour être responsable de la mort de Raoul Jean, employé communal de Minzac (Dordogne), dont des morceaux de corps avaient été retrouvés dans l'Isle et l'estuaire de la Gironde en juin 2006.
La part d'ombre de la victime


Malaise sur le banc des parties civiles. Regards fuyants. La cour cherche à savoir qui était vraiment Raoul Jean. Ses bons côtés - l'employé communal de Minzac (24) serviable, le père présent, l'ami qui parlait beaucoup mais « pas de lui en profondeur », le proche surnommé « mimi ». Mais aussi sa part d'ombre - le tourisme sexuel, les attouchements sexuels dont il a admis s'être rendu coupable dans son entourage. Ses petites victimes ont grandi. Certaines ont « su vivre, su faire avec » le souvenir de ces gestes impudiques. D'autres, obligées d'exprimer un mal être refoulé, s'effondrent à la barre. Hier était l'occasion pour elles d'un procès posthume.


« Ça ne part pas mais je n'ai jamais pensé à me venger. Qu'est-ce que j'aurais pu faire », lance une jeune femme qui a porté plainte en 2003. Trop tard pour la justice. « C'était un pédophile », lance une autre, le visage tordu de douleur. Elle tremble, doit s'asseoir. Lors de l'enquête, les gendarmes ont retrouvé chez Raoul Jean un collage représentant un sexe masculin coupé. Avec le numéro de téléphone de la jeune femme qui en 2005 était dans une logique de rancœur.


« Avec mon frère, on a voulu lui faire peur et l'empêcher un peu de dormir parce que moi ça fait trente ans que je ne dors pas. Je voulais le voir en face, qu'il avoue et demande pardon, être reconnue comme victime et ne plus avoir honte ». Elle n'a appris qu'hier que le défunt avait admis les faits reprochés. « C'était un courrier anodin pour qu'il culpabilise », assure son frère. Il n'empêche. Pour Mes Hubert Hazera et Éric dupont-Moretti, « on a abandonné trop vite la piste des victimes vengeresses ».


Enveloppée dans un manteau noir, posément, elle raconte. Comment elle a rencontré Aziz Hamri au Maroc en 2002, pourquoi elle a accepté un mariage blanc avec un Français. « Pour venir en France, avoir des papiers, m'échapper de ma condition de femme divorcée au Maroc ». Et finalement retomber entre les mains de l'accusé. « À l'époque, j'étais une femme incapable de rien faire ». Mal traitée, ballottée d'un domicile à l'autre en fonction des envies de son compagnon officieux.


Sur invitation des avocats de la partie civile, elle revient sur des épisodes de violences conjugales, insiste sur la jalousie de l'accusé. « J'étais à lui. C'est lui qui m'avait fait les papiers. Les bornes de mon monde c'était Aziz Hamri et sa famille. La première fenêtre qui s'est ouverte, c'est sur Raoul Jean ». Il recherche frénétiquement une compagne marocaine, elle est prête à le suivre pour changer de vie. L'accusation tient son mobile.


« Il m'avait avertie et j'avais peur », poursuit la jeune femme, que la défense pense « manipulatrice ». « Un jour, il m'a dit "Jean, je l'ai tué avec un gitan. Jean, il est avec les poissons" ». Car dans la famille Hamri, tout le monde l'appelait Jean. Pas Raoul. Pas Mimi comme tous ses proches. Jean. Comme la signature au bas d'un mot à l'orthographe peu sûre, retrouvé sur la porte du défunt avertissant d'un départ précipité.


L'accusation attribue ce mot à Aziz Hamri qui aurait ainsi couvert l'absence de Raoul Jean. Experte en comparaison d'écriture et technicien en écriture se veulent scientifiques et abondent dans son sens. Railleur, Me Éric Dupont-Moretti relève l'utilisation prudente du conditionnel, des adverbes mesurés voire précautionneux et balaie l'expertise d'un revers de manche. L'avocat de la défense entend faire de même avec les analyses menées sur la téléphonie. L'expert, au moyen des répertoires téléphoniques, listings et géolocalisation, démontre que le téléphone portable de Raoul Jean a été utilisé après sa disparition. Des cartes SIM appartenant à Aziz Hamri ou des proches y ont été insérées. Interrogé par le président, l'accusé n'a pas d'explication. « J'ai plusieurs portables, je n'ai pas besoin de celui de Jean ».


Erreur de retranscription


Me Hazera pointe alors deux bourdes de l'expert. Une erreur de retranscription du numéro étudié, et un rapprochement plus qu'hasardeux - plus de 40 km - entre un relais et la découverte du tronc. « Si l'expert fait mal son travail, pour moi elle ne vaut rien cette expertise », peste Me Hazera. Ecran de fumée pour l'avocat général, Pierre Nalbert. « Une petite erreur de plus, le tout c'est qu'on ne se trompe pas vendredi », gronde quant à lui Me Dupont-Moretti
http://www.sudouest.fr/2011/03/03/des-experts-contestes-331608-4626.php

Aucun commentaire: