Raison : Maître François Quinquis, l'avocat de celui qu'on prénomme aussi affectueusement « Gaston Nui » (le grand, en tahitien), a dégainé non pas une, mais deux Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : l'une concernant une éventuelle prescription, l'autre l'interdiction de sanctionner deux fois les mêmes faits. Si demain dans la nuit – décalage horaire oblige – le tribunal décide qu'elles sont recevables, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel devront être saisis et le procès décalé de plusieurs mois. Une similitude avec le récent procès ajourné de l'ancien président de République Jacques Chirac, le grand ami de « Gaston » et parrain d'un de ses fils.
« Roi des îles »
Que reproche la justice à celui qui est toujours sénateur (non-inscrit) de Polynésie française après avoir été maire, député, député européen, président de l'assemblée polynésienne ou de l'exécutif territorial et même secrétaire d'Etat (de 1986 à 1988) ? Une presque banale histoire d'emplois fictifs, ces mêmes emplois fictifs qui valent aussi des ennuis judiciaires à Chirac. Mais les dimensions du scandale sont à l'échelle de la magnificence du « roi des îles » et de l'immensité du territoire polynésien, vaste comme l'Europe : 15 ans de procédure, 500 auditions, 99 mises en examen, 87 personnes renvoyées devant le tribunal, dont Flosse lui-même et les deux députés du cru, Michel Buillard et Bruno Sandras... Payées par l'Assemblée territoriale, 86 personnes auraient ainsi travaillé durant des années pour le Tahoeraa Huiraatira (le Rassemblement du Peuple), le parti d'inspiration gaulliste de Flosse. Une situation qui n'est pas sans rappeler la gestion de la Mairie de Paris sous l'ère Chirac.Plainte
Tout commence en septembre 1995. Des lettres anonymes arrivent opportunément à la connaissance de la justice, alors que Gaston Flosse dirige le territoire. Les missives assassines détaillent le fonctionnement du réseau de « Gaston » et de ses affidés. Une première plainte est déposée trois mois plus tard. Elle reste sans suite. En décembre 1999, le procureur de la République de Papeete est saisi d'une nouvelle plainte d'un particulier. Enfin, en 2000, Oscar Temaru, l'adversaire indépendantiste de Flosse – et actuel président de la Polynésie – s'en mêle à son tour. La machine judiciaire, jusqu'alors grippée, se met en branle.Avec la comparution devant la justice de cette bête politique, dont les ressemblances avec Chirac sont nombreuses, une ère d'impunité s'achève. Certes, Flosse a déjà été condamné en 2009 dans une autre affaire, dite des « emplois cabinet ». La chambre territoriale des comptes lui avait infligé ainsi qu'à une vingtaine de personnes des amendes d'un montant de plus de 160 000 € en exigeant le remboursement de près de 2 millions d'euros. Mais, en mars dernier, la Cour des Comptes a annulé la décision pour des raisons de procédure.
« Serein »
A bientôt 80 ans, qu'il fêtera en juin, le vieux lion du Pacifique voit son avenir s'assombrir. D'autant qu'une autre affaire, dite de « l'annuaire OPT » (l'opérateur téléphonique polynésien), l'empoisonne depuis 2009. Dans ce dossier épineux, des soupçons de détournement de biens sociaux et de corruption active lui ont déjà valu une levée d'immunité, plusieurs gardes à vue, de la détention provisoire et même la mise en examen de sa compagne, Pascale Haiti, accusée de destruction de preuves. Détrôné politiquement par son adversaire Oscar Temaru, revenu à la tête du territoire en début de mois, après un unième soubresaut politique (c'est le 13e changement de gouvernement territorial depuis 2004 !), Gaston Flosse va livrer une de ses dernières batailles. Il s'affirme « serein » et se battra jusqu'au bout. Comme son ami Chirac.http://www.francesoir.fr/actualite/justice/proces-flosse-peine-debute-deja-ajourne-93208.html
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