samedi 18 juin 2011

Procès Colonna: le jeu de la défense avant le verdict

Comme leurs confrères la veille, Me Simeoni et Sollacaro, avocats d'Yvan Colonna, ont plaidé l'acquittement de leur client, jugé pour l'assassinat du préfet Erignac en 1998.
"En football, les Français jouent très bien, mais ce sont toujours les Allemands qui gagnent. Au procès Colonna, c'est la défense qui plaide et toujours l'accusation qui gagne." Ce vendredi, pour ses ultimes plaidoiries avant le verdict, la défense avait sélectionné comme attaquants Mes Simeoni et Sollacaro. Si les conseils avaient dû porter un maillot, il aurait été aux couleurs de la Corse. Me Dehapiot, le procédurier, occupait quant à lui le poste de défenseur.
Première mi-temps. Me Simeoni monte au créneau pendant près de trois heures. Il s'attache à démonter -avec la connaissance minutieuse du dossier qu'on lui connaît- chaque point soulevé par Alexandre Plantevin, l'un des deux avocats généraux, dans son réquisitoire de mercredi. La présomption de son client a été bafouée, aussi bien par l'Etat que par les parties civiles et leurs représentants; le principe d'instruction à charge et à décharge n'a pas été respecté. Pis, scande-t-il, "vous me demandez de prouver l'innocence d'Yvan Colonna". Or, en droit français, c'est à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé. Regrettant un "jeu truqué" dans lequel "la périphérie est toujours interprétée à charge", il maintient que les mises en causes des membres du commando et de leurs épouses ne tiennent pas.
Ces d'aveux, obtenus en garde à vue, reposent sur "trois piliers qui se sont effondrés devant nous", affirme-t-il dans les nombreux micros qui ont été positionnés devant lui. Yvan Colonna a été mis en cause spontanément? Faux, rétorque l'avocat du berger de Cargèse. "Les policiers avaient la conviction depuis décembre 1998 [soit avant les gardes à vue lors desquelles les membres du commando ont désigné Colonna comme le tireur, ndlr] qu'il était l'assassin." Les gardes à vue de mai 1999 se sont déroulées sans incidents? Incorrect. Un des policiers ayant participé à l'enquête et appelé à témoigner a reconnu lui-même, souligne le conseil, "qu'une garde à vue, par définition, est un moment de pression". Et de rappeler les plaintes des femmes du commando sur les conditions de leur privation de liberté. Les gardes à vue ont été étanches? Intox. Les PV ont tourné entre les différents suspects. La défense maintient que Colonna ne peut être condamné sur la "parole" de ses accusateurs, auxquels la police aurait selon elle "soufflé" son nom.
Puis, le conseil, s'adressant aux magistrats professionnels qui composent la cour d'assises spéciale, conclut: "Comment pouvez-vous entériner quatre jours de manquements à tout ce qui fonde la loyauté? (...) Je vous demande d'être de vrais juges."
Deuxième mi-temps. Me Sollacaro entre sur le terrain. Telle une girouette, il jongle du regard entre la cour, les parties civiles, le banc de la presse, le public, ses confrères et Yvan Colonna. Le conseil, qui multiplie les excès de décibels, s'en prend aux "marionnettes" du commando: Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Du premier, il dit qu'il est "haineux"; du second, qu'il est un "lâche" et un "traitre". "Vous allez croire ces pantins venus se pavaner devant la cour et se présenter comme des héros?" tonne Me Sollacaro. A l'attention des avocats généraux, il ajoute: "Vous vous êtes faits enfumer!"
Fin du temps réglementaire. Me Dehapiot est à l'oeuvre pour essayer de marquer le dernier but. Si ses confrères ont rempli leur rôle, quatre des neuf jurés ont été convaincus par l'innocence de Colonna, analyse-t-il. Reste donc à en persuader un de plus pour emporter la majorité simple - cinq sur neuf - et donc l'acquittement.
Pour y parvenir il rappelle un principe fondamental du code civil français: "le doute profite à l'accusé". "Selon les grands principes des droits interne, moderne et conventionnel, il me semble qu'Yvan Colonna ne puisse être condamné", lance-t-il dans un style châtié. A l'accusation, il lâche: "Vous n'avez pas apporté la preuve de la culpabilité de Colonna." Et aux juges: "J'ose affirmer que la démocratie judiciaire a besoin d'un geste de résistance fort aux principes qui ne sont pas respectés. En acquittant Yvan Colonna, vous aurez simplement décidé que le doute doit lui profiter."
Pour la troisième mi-temps, qui se déroulera lundi 20 juin, la parole reviendra à l'accusé. Puis la cour se retirera pour délibérer.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/proces-colonna-le-jeu-de-la-defense-avant-le-verdict_1003627.html

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