dimanche 18 septembre 2011

"Il m'a tapé la tête contre le mur, puis l'a frappée contre le sol"

Chemisier blanc moulant, jupe rouge gainant sa taille, démarche gracile, Isabelle s'avance à la barre. Elle relate la scène durant laquelle l'homme qui la dévisage depuis le box l'a rouée de coups dans le métro parisien. Elle évite soigneusement de croiser le regard de son agresseur.

- Il était environ 23 h 30, je rentrais du théâtre où je joue tous les soirs. Il m'a bousculée et je me suis retournée pour lui demander des excuses. Il n'a pas apprécié et m'a donné une baffe. J'ai appelé au secours en le retenant pour qu'il ne s'en aille pas. Il m'a tapé la tête contre le mur et m'a traînée au sol, puis il m'a frappé la tête contre le sol. À ce moment-là, quelqu'un est arrivé [...].

Il s'agit du témoin qui les a séparés et qui a prévenu les agents de sécurité du métro. La police est alors intervenue, parvenant péniblement à immobiliser l'agresseur. "Il était très agité et très alcoolisé", souligne la présidente à la lecture du procès-verbal de police.

Les images de la caméra de vidéosurveillance ayant filmé une partie de la scène révèlent la violence des coups portés au visage de la victime à genoux. "On voit la tête basculer fortement sous leur force", indique la présidente.

Isabelle s'en tire avec de nombreuses blessures et ecchymoses, dégâts bien en deçà du choc émotif et du traumatisme psychologique qui se sont ensuivis. Son ITT a été fixée à 5 jours.

De son côté, le prévenu assure ne se souvenir de rien tant il était saoul.

- Vous l'avez insultée et agressée de manière totalement gratuite, fait observer la présidente.

- Elle s'est agrippée à moi, se défend l'homme. Elle m'a déchiré mon tee-shirt... Je lui ai juste tiré les cheveux...

- Vous vous souvenez donc de certaines choses, votre mémoire est très sélective, note la juge. Qui souligne par ailleurs que les faits ont été commis en état de récidive légale, faisant encourir au prévenu la peine plancher de un an ferme.

"L'alcool n'est pas une excuse, c'est un facteur aggravant", rappelle l'avocat d'Isabelle. "Ma cliente s'est agrippée à lui pour qu'il ne se sauve pas, au risque de se faire agresser encore plus sauvagement, dit-il. Le témoin et le film sont là pour le confirmer." Il sollicite du tribunal une expertise destinée à évaluer le préjudice de sa cliente pour laquelle il demande 2 500 euros à titre de provision.

"La première circonstance aggravante des faits, c'est le lieu, le métro. La seconde, c'est l'alcool", sermonne le procureur. Qui décrit ce qu'il qualifie de "scène classique et quotidienne" : "Il la bouscule, elle demande des excuses, ce qui est une réaction normale. Et là, il sort de ses gonds, il l'insulte, la traîne par terre, lui donne des coups de poing d'une grande violence. Et cela n'a aucun impact. Pas un mot d'excuse à l'audience. Au lieu et place, M. V. se plaint que son tee-shirt est déchiré, ce qui montre qu'il ne pense qu'à lui ! En somme, c'est lui qui a subi un préjudice !" Et de requérir en conséquence l'application pure et simple de la peine plancher.

"Il n'a que 23 ans et vit avec trois femmes : sa mère, sa grand-mère et sa soeur", tempère l'avocat de la défense. "Il sait donc respecter une femme", assure-t-il. Mais il ne sait pas forcément résister à l'alcool, qui serait seul responsable de son dérapage, selon le défenseur. "C'est l'alcool du désespoir, pas l'alcool de l'amusement", avance-t-il. Et de défier le tribunal avec un argument piège : "Il a une proposition d'emploi et c'est son seul espoir de se construire." Un coup d'épée dans l'eau souillée du dossier. Car le prévenu sera condamné à un an de prison, dont quatre mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans. "Cela signifie que vous resterez en prison pendant huit mois et qu'au bout de cette période, vous serez suivi par un juge de l'application des peines qui vérifiera que vous respectez vos obligations de travailler et de soigner votre dépendance à l'alcool", explique la juge.

Visiblement soulagée, Isabelle quitte dignement la salle d'audience au bras de son compagnon.
http://www.lepoint.fr/carnets-de-justice/il-m-a-tape-la-tete-contre-le-mur-puis-l-a-frappee-contre-le-sol-16-09-2011-1373826_195.php

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