mercredi 21 septembre 2011

L’apothicaire qui aimait les femmes à St-Bonnet-de-Joux

Auguste P. est né le 1 er septembre 1863, non loin de Grenoble. Cependant, c’est à Saint-Bonnet-de-Joux qu’il est venu s’établir. Il exerce la profession d’apothicaire ; de fait, il jouit dans la bourgade d’une certaine notoriété, car, dosant, malaxant, pilant, broyant herbes et drogues, il sait préparer remèdes, pommades, onguents, huiles, baumes, lotions et autres potions qu’il administre à sa pratique.
Ce trentenaire célibataire est comme un certain nombre de confrères de sa profession ; à une époque où les moyens contraceptifs n’existent pas et où le contrôle des naissances pose souvent problème aux femmes, il s’est taillé une discrète mais efficace réputation de “faiseur d’anges”. Qu’il arrange “les histoires de femmes” qui viennent le supplier de les aider, moyennant finance, est une chose ; qu’il abuse de certaines de ses crédules clientes en est une autre… or, peu à peu, des bruits vont se répandre, la rumeur va enfler, et l’apothicaire va bientôt être considéré comme un homme aux pratiques sexuelles pour le moins étonnantes.
Fin août 1900, des notables de Saint-Bonnet reçoivent en effet des lettres anonymes les informant que le pharmacien a un comportement répréhensible avec les personnes du sexe faible qui fréquentent sa boutique.

L’affaire P.

Fin janvier 1900, une certaine demoiselle P. se met à souffrir d’atroces maux de dents. Elle se précipite chez P. L’apothicaire la fait passer dans son cabinet. Il l’assied sur une chaise, et l’endort complètement en lui faisant respirer du chloroforme. On ne sait pas si la demoiselle P. n’a plus mal aux dents mais… ce que l’on sait, en revanche, ne manque pas d’être troublant : quelques mois plus tard, la pauvre demoiselle P. est atteinte de nausées ; elle vomit, elle a le teint qui se plombe, elle grossit, elle est fatiguée ; bien qu’un peu lente, elle finit tout de même par s’alarmer des conséquences de ces soins dentaires…
Bref… le 29 juillet… le docteur Fleury, de Perrecy-les-Forges, lui révèle qu’elle est enceinte de sept mois. Et la brave demoiselle de se souvenir, tout par un coup, que quand elle expliquait à l’apothicaire ses douleurs dentaires, contre toute attente, il se livrait à des examens gynécologiques… lui disant et lui redisant qu’elle avait « la matrice retournée »

L’affaire B.

Une jeune fille qui souffre, elle, de l’estomac, est amenée chez Auguste P. par son père. Elle reviendra seule chez l’apothicaire, à plusieurs reprises. Elle a beau être méfiante, elle a beau se douter, au terme de plusieurs séances de “soins”, que le potard lui fait absorber des breuvages abortifs, le 21 février, elle accouche d’une petite fille, alors même qu’elle aussi, elle a eu une conduite irréprochable.
Dès lors, les langues vont se délier et d’autres femmes vont parler. Une certaine Mme G. relate qu’un jour, elle avait été endormie par P. dans l’arrière-boutique, et que seule une visite inattendue à l’officine l’avait sauvée du pire.

L’affaire A.

C’est la plus incroyable de toutes. Au cours de l’été, Melle A. n’est âgée que de 17 ans. Mais visiblement elle est dotée d’une belle énergie et elle ne manque pas de sang-froid. Elle parvient à déjouer les ruses de l’apothicaire, le repousse sans ménagements, lui échappe, s’enfuit et dénonce la tentative de viol dont elle a été l’objet au couple qui l’emploie en qualité de domestique.
Pour des raisons que l’on ignore (et que l’on préfère continuer d’ignorer) le couple en question, les P., seront appelés à témoigner lors du procès d’Auguste P. qui se déroule le 31 décembre 1901 à Chalon-sur-Saône. Ils disent alors ne plus se souvenir de ce que leur a raconté leur ancienne domestique ; la confrontation est houleuse entre les P. et leur ancienne femme de chambre qui maintient ses déclarations avec une belle énergie. Si elle n’a pas porté plainte à l’époque contre A.P. c’est que le crime n’a pas été consommé.

7 ans de réflexion

Auguste P. est accusé de viols, de tentatives de viols et d’attentats à la pudeur. Son attitude mérite un arrêt sur image : il prétend que les attouchements auxquels il s’est livré n’avaient qu’un seul objectif : se rendre compte de l’état pathologique des patientes… ; quant au reste, il le nie farouchement. Il ajoute qu’il est victime d’un complot ourdi par des gens intéressés à sa perte.
Il est condamné à 7 ans de prison, par un jury, faut-il le rappeler… essentiellement masculin.

http://www.bienpublic.com/cote-d-or/2011/09/18/la-carte-des-radars-dans-le-departement

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