mercredi 28 septembre 2011

Procès Chirac: comment juger un ancien président de la République?

Condamnation, dispense de peine, relaxe ? Le tribunal correctionnel de Paris a toute latitude juridique pour prononcer le 15 décembre son jugement sur Jacques Chirac, mais ce procès a révélé la difficulté de juger un ex-chef d'Etat comme un citoyen ordinaire.
Le procès des emplois présumés fictifs de la ville de Paris, du 5 au 23 septembre, s'annonçait hors normes, puisque Jacques Chirac était le premier président de la République à être renvoyé en correctionnelle. Il aura été "surréaliste", de l'avis de certains commentateurs.

Le principal prévenu était absent en raison de "troubles sévères de la mémoire", le réquisitoire du parquet a ressemblé à une plaidoirie de la défense, et de nombreux témoins n'ont pas répondu à leur convocation, à commencer par le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, condamné en 2004 dans un volet de l'affaire.

En l'absence de la principale victime, la ville de Paris, il est revenu à l'association anticorruption Anticor, partie civile, de porter l'accusation.

Renvoyé pour "prise illégale d'intérêt", "abus de confiance" et "détournement de fonds publics", pour des faits remontant au début des années 1990, M. Chirac encourt en théorie dix ans de prison et 150.000 euros d'amende.

Mais les deux procureurs ont requis sa relaxe et celle de ses neuf coprévenus. Leur réquisitoire a été qualifié d'"affligeant" par le Syndicat de la magistrature (gauche), qui y a vu une preuve supplémentaire de la nécessité d'une réforme du statut du parquet, subordonné à l'exécutif.

Le tribunal, composé de trois magistrats du siège statutairement indépendants, n'est pas tenu par ces réquisitions. "La marge de manoeuvre du tribunal est totale", souligne Christophe Régnard, président de l'Union Syndicale des Magistrats (majoritaire). "Il écoute les parties, puis applique le droit".

L'avocat Pierre-François Divier, conseil à la fin des années 1990 du contribuable qui avait déclenché la procédure judiciaire contre Jacques Chirac, pencherait ainsi pour "une condamnation de principe, c'est-à-dire une peine avec sursis", a-t-il dit à l'AFP.

Dans son livre, "Toute la vérité sur l'origine du procès de Jacques Chirac" (ed. Galodé), il misait plutôt pour une dispense de peine. "Ma position a évolué au vu de ce procès surréaliste où le parquet a continué, contre l'évidence du dossier, à requérir une relaxe", explique-t-il.

"Dans l'hypothèse où il y aurait une reconnaissance de culpabilité, toutes les conditions sont réunies pour une dispense de peine", souligne cependant le pénaliste Didier Rebut.

Le code pénal prévoit qu'elle peut être accordée lorsque "le reclassement du coupable est acquis" et que "le dommage causé est réparé". Or, la ville de Paris a été indemnisée, selon un protocole conclu avec l'UMP et Jacques Chirac.

"L'ancienneté des faits, la personnalité du prévenu, sa maladie" peuvent aussi jouer, souligne M. Régnard.

"C'est la déclaration de culpabilité qui serait infamante pour M. Chirac", relève M. Rebut. "La peine, s'il y en avait une, devrait être totalement anodine".

"Très souvent, des éléments extérieurs aux simples points de droit rentrent en compte", ajoute-t-il.

C'est ce qu'a plaidé l'un des avocats de M. Chirac, Me Georges Kiejman.

"Votre responsabilité morale et politique est immense", a-t-il dit aux juges. "On vous demande de juger l'ancien maire de Paris, mais celui que vous seriez tenté de condamner, c'est l'ancien président de la République".

"Vous ne pouvez pas rabaisser Jacques Chirac, qui a incarné la France pendant 12 ans, sans rabaisser la France", a affirmé l'avocat.

Le tribunal prendra-t-il en compte ces "considérations transcendantes ?", selon l'expression de Me Kiejman. Réponse le 15 décembre
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jGMseEnbdpoypkDNIxjq7JiyJGFA?docId=CNG.692cbdc1e15e996edc08bee2689d795d.211

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