mardi 24 janvier 2012

Face à face père - fille aux assises

Depuis lundi, aux assises de la Somme, se font face une jeune femme et son père. Il l'a violée pendant des années et lui a fait deux enfants.

La jeune femme de 33 ans est assaillie par les questions. Elle se mélange dans les dates, jette à son avocate le regard d'une proie aux abois. L'avocate générale Hanène Romdhane insiste doucement: «Madame, je vous pose la question que tout le monde ici se pose: pourquoi n'avez-vous rien dit?» La victime soupire: «parce que j'avais peur».

L'individu qui l'a terrorisée se trouve à quelques mètres. C'est un ouvrier amiénois en arrêt maladie, victime d'un cancer de l'amiante après avoir subi un cancer de la peau il y a quelques années. Il tousse, il renifle. Il fait pitié.

Chauve, fines lunettes, un pull sombre: il présente bien, s'exprime clairement et réitère au long de la matinée ses regrets, ses demandes de pardon. Insiste sur son évolution: « avec le psychiatre, j'ai compris le mal que j'avais fait à ma fille». Pour Mes Veyssière et Marras, il est le client idéal.

«Il m'a dit de ne pas parler à maman»

Puis vient l'après-midi et les mots de la jeune femme, questionnée précisément par son avocate Me Moreau. «La première fois, c'était dans la cuisine. Il m'a déshabillée et caressée entre les jambes. J'ai pleuré. Il a arrêté et m'a dit de ne pas parler à maman».

La seconde fois, il ira au bout, dans la chambre de l'enfant. «J'ai saigné, j'ai dit "papa, j'ai mal". Il m'a dit "c'est pas grave" et il a continué.»

Elle affirme que tout a commencé «à 7 ou 8 ans». Lui soutient que c'était plus tard, «vers ses 14-15ans.» «Ça ne vous empêchait pas de dormir? », questionne le président Samuel Grévin. «À l'époque, je ne me posais pas de question...»

Les faits ont été dénoncés en2005 quand la jeune femme a été incarcérée pour des violences sur son propre enfant. À un psychiatre, puis à un juge d'instruction, elle a parlé. Une expertise ADN l'a hélas confortée: le fils et la fille qu'elle a eus autour de ses vingt ans étaient bel et bien les rejetons de son propre père. Ils sont maintenant placés. «Quand je les vois, je pense toujours au mal que j'ai subi», souffle-t-elle.

Le témoignage de la mère aujourd'hui L'enjeu de ce procès est l'éventuelle incarcération du prévenu qui, pour l'instant, n'a pas purgé une heure de détention. Le verdict sera rendu mercredi soir. Ce mardi, un témoignage est très attendu: celui de la mère de la victime. On a compris hier que la défense suggère qu'en raison de sa maladie, un cancer de l'utérus, son mari a pu inconsciemment voir en sa fille une femme de substitution. C'est elle qui n'a rien vu ni entendu pendant dix ans et, quand sa fille a enfin eu le courage de se confier à elle, a refusé de la croire. Elle aussi qui, quand sa fille a fait une fausse couche à même le sol, a ramassé le fœtus et l'a jeté dans la cuvette des toilettes. Sans un mot.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Face-a-face-pere-fille-aux-assises

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