vendredi 27 janvier 2012

Fin d’enquête au presbytère

Quand le 31 août 1835, le cadavre d’une jeune femme a été retrouvé au lieu-dit Les Ecarts, une enquête a été diligentée. Elle a identifié la victime : il s’agit de Fanny Besson. Qui est en réalité la victime ? Qui est l’auteur du crime ?

Jolie Fanny

Fanny Besson était une jolie modiste lyonnaise. Catholique pratiquante, elle se rend régulièrement à la messe et se confesse au curé de sa paroisse. Sans doute aurait-elle mieux fait de s’abstenir… Car la marchande de mode et nouveautés ne va pas tarder à tomber dans les rets d’un homme à femmes très manipulateur.
Au début de sa relation avec le beau et vigoureux Jean-Baptiste Delacollonge, Fanny a certainement le sentiment de vivre une histoire d’amour extraordinaire : son amant, qui parle le latin sans même avoir besoin de le lire dans les gros missels à tranche dorée, son amant qui entonne le veni creator d’une voix de stentor, trouble tous les cœurs. Qu’il l’aime, elle, la flatte dans son orgueil de petite boutiquière.
Bémol numéro 1 : le sentiment de vivre dans le péché : c’est un péché que d’arracher un homme de Dieu aux devoirs sacrés de son sacerdoce et Fanny en a conscience. Bémol numéro 2 : le sentiment de vivre dans l’insécurité : c’est très inconfortable de toujours se cacher aux yeux des hommes (et des bigotes qui, derrière les rideaux, vous observent et murmurent des méchancetés). Sans compter que le denier du clergé n’est pas gras ; pour acheter bas de soie et bâtons de rouge (et même des escalopes de veau ou des épinards et du beurre pour mettre dans les épinards), un fiancé occupant un poste dans la politique, l’industrie ou le commerce, est sans doute plus intéressant qu’un curé. Mais il y a pire : Fanny n’est pas la seule… Jean-Baptiste n’a guère d’apostolique que son prénom. Des liaisons, avec d’autres pénitentes en quête de consolations autres que purement spirituelles, il en a, il en a autant qu’un évêque peut en bénir… Des relations – sexuelles – osons le mot qui fâche, avec des professionnelles tarifées, il en a aussi autant que ses moyens financiers le lui permettent. Alors, Fanny a beau être à la bonne école pour être entraînée à pratiquer les nobles vertus que sont le pardon des offenses, l’oubli de soi, la charité, la compassion et tout le saint-frusquin, il n’empêche qu’elle souffre. Le curé a beau être éloquent et habile, Fanny souffre d’un mal douloureux entre tous : la jalousie.

Triste Fanny

Les enquêteurs reconstituent les dernières années de la maîtresse du curé. Ils trouvent sa trace à Chalon puis à Dijon où elle demeurait dans un petit logement, situé à l’angle de la Place d’armes et de la rue Rameau. Sa logeuse précise que Fanny était triste, mélancolique, isolée. Le 12 février 1835, elle accouche d’une petite fille qui décède aussitôt. Elle est confrontée à de tels problèmes financiers qu’elle doit quitter Dijon. Bien qu’il ait fracturé le tiroir du meuble renfermant l’argent de la fabrique de l’église, Jean-Baptiste est à bout de ressources. En dépit des risques qu’il encourt pour sa carrière ecclésiastique déjà bien compromise par ses frasques à répétition, le curé doit se résoudre à amener sa maîtresse au presbytère.

Un retour fatal

Le 7 août, le couple quitte Dijon pour Sainte-Marie. Fanny est devenue “la cousine du curé”. Mais la servante, Françoise Bourgeois, n’est pas dupe de cette parenté suspecte. Elle prévient le maire qui se fait menaçant : il faut que le serviteur de Dieu scandaleux cesse son manège qui choque les paroissiens et qu’il renvoie sa maîtresse.
Que faire quand l’argent manque, d’autant que Fanny est à nouveau enceinte ? Jean-Baptiste va alors avoir une idée diabolique : il dit à Fanny : « Si nous en finissions avec cette vie terrestre, si difficile ? Mourrons ensemble, rejoignons le Seigneur et les anges. Au paradis, nous vivrons dans la félicité éternelle ». Fanny, exténuée, n’aspire qu’au repos. Jean-Baptiste, naturellement, n’a pris qu’un aller simple pour le paradis. Il étrangle Fanny, dépèce son cadavre, va jeter le bas-ventre et tous les organes qu’il renferme ainsi que le cœur et les poumons dans le cabinet d’aisances. Il fourre à la hâte les morceaux du cadavre de sa bien-aimée dans un sac qu’il balance dans une mare. Dès le lendemain, il clamera que sa cousine est repartie à Lyon. Rattrapé alors qu’il tentait de fuir en Suisse, il est arrêté, jugé le 1 er mars 1836, condamné aux Travaux Forcés à Perpétuité. Il meurt au bagne de Brest où il n’a laissé, semble-t-il, que de bons souvenirs.

Albine novarino-Pothier

Anthologiste et écrivain, Albine Novarino-Pothier a publié Les Grandes affaires criminelles de Saône-et-Loire et Les Grandes affaires criminelles du Rhône aux éditions de Borée
http://www.bienpublic.com/faits-divers/2012/01/22/fin-d-enquete-au-presbytere

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