dimanche 29 avril 2012

La beuverie entre copains s’était terminée au cimetière

Ce n’était pas un meurtre comme envisagé au début de l’affaire. Mais il y avait pourtant bien un meurtrier sournois, l’alcool. Et une « scène de crime » d’un autre siècle, au bout d’un chemin du petit village de Saint-André-de-Bâgé, entre Bresse et val de Saône. Une ferme délabrée et insalubre, un vaste capharnaüm qui sentait « bon » le terroir. Avec des conditions d’hygiène si déplorables que les gendarmes avaient réclamé des combinaisons pour y pénétrer en se pinçant le nez.
Jean-Claude Buiron, le propriétaire, était une figure du coin. Le « Jeannot », robuste gaillard de 78 ans, y élevait quelques volailles, mangeait du ragondin, et sillonnait les routes dans une voiturette grise. Pour les enfants, c’était « papy pirate » car il avait perdu un œil. Pas du genre marin d’eau douce. Plutôt naufragé dans les rades du secteur.
Un paysan au grand cœur qui avait recueilli chez lui Patrice, surnommé « moustache de canari ». Un quadragénaire, ancien boucher, qui ne payait plus son loyer depuis dix ans. Depuis un mois, le gîte était gratis pour « le p’tit gars », dans la pièce en haut de l’escalier délabré de la ferme.
Le 6 août 2008, Patrick Taboulot-Giloux, 44 ans, était venu rejoindre son ami Patrice. Une journée de beuverie. Les tests d’alcoolémie effectués après le drame donnent le tournis : 6 g pour le premier, 3,8 g pour le second, et 4,5 g pour le Jeannot.
« Moustache de canari » voulait monter se coucher mais il avait dévalé les escaliers, se fracassant le crâne. Ses copains le croyant « seulement » ivre mort l’avaient laissé là pour aller au village continuer à boire jusqu’à minuit. Avant d’enfin s’inquiéter et d’appeler les pompiers qui avaient trouvé les deux ivrognes attablés autour d’une bouteille de rouge.
L’enquête s’était un peu trop vite orientée vers un meurtre ou des coups mortels consécutifs à une bagarre en raison de la première expertise médico-légale, et parce que Jean-Claude Buiron avait maladroitement évoqué un coup de bâton pour réveiller son copain. Avant qu’une deuxième expertise n’établisse que les blessures de « moustache de canari » étaient compatibles avec un roulé-boulé dans l’escalier branlant.
Hier, ce n’est donc que pour « non-assistance à personne en danger » qu’étaient jugés les deux hommes. Le Jeannot n’est pas venu. Rongé et affaibli par une année de détention provisoire et le poids des ans, il vit désormais en maison de retraite. Taboulot, un être fruste et immature, à l’hérédité alcoolique, n’aura chuchoté que quelques mots à la barre : « J’ai pensé que il dort. Il était parti pour ça. » Avant de rassurer le tribunal : « Je ne bois plus que le midi et le soir. » Un procès difficile pour la famille de Patrice. « Tu l’as laissé mourir », a crié sa maman avant d’être évacuée pour un malaise.
« S’ils avaient fait le minimum, il ne serait peut-être pas mort », acquiesçait le vice-procureur Bertrand Guérin qui a requis deux ans de prison dont un avec sursis contre les deux hommes. Que dire de plus ? « C’est un roman de Zola. La conséquence de l’alcoolisme de trois hommes que personne n’a aidé », a constaté Me Saadia Rahho. « Buiron a crié son innocence pendant un an, il a honte d’avoir été en prison », ajoutait sa consœur, M e Raynaud de Chalonge. Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur.

http://www.leprogres.fr/ain/2012/04/25/la-beuverie-entre-copains-s-etait-terminee-au-cimetiere

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