jeudi 24 mai 2012

Homme ou femme ? La justice tranchera

Le tribunal de grande instance d'Agen doit se prononcer aujourd'hui sur « le changement de la mention du sexe dans l'état-civil » d'un Agenais de 40 ans. Une affaire quasi inédite ici.
C'est un cas inédit et ô combien sensible que va devoir traiter ce matin le tribunal de grande instance d'Agen, avec la difficile tâche -euphémisme- de décider si la personne qui lui est présentée ce jour est un homme et doit le rester… ou est une femme et peut le devenir légalement. Aucune matière à plaisanter en la circonstance, sachant que l'intéressé est ce que l'on appelle un « transgenre », néologisme par lequel on désigne un homme « trans » qui se ressent et s'identifie à un homme bien qu'il soit né avec des organes sexuels femelles. Et inversement. Un dilemme à trancher quasi unique pour la juridiction agenaise. « Mais surtout, une situation extrêmement douloureuse pour l'intéressé », résume Me Marie-Dolorès Prud'Homme, l'avocate qui soutient le requérant et l'assistera ce matin face à un magistrat, en présence d'un représentant du parquet. Une audience civile et privée qui s'annonce pour le moins difficile sachant que ledit parquet a déjà fait savoir au conseil qu'il s'opposait à cette requête.
Car, sur cette question si sensible, le problème est simple et… complexe à la fois, selon que l'on s'en tienne à la jurisprudence ou aux lois ailleurs en vigueur.
« En France, explique Me Prud'Homme, on s'appuie sur un vieil arrêt de la cour de cassation qui date de vingt ans et qui impose à toute personne qui veut changer d'identité une batterie d'examens, des contraintes médicales, voire psychiatriques ». En clair, on exige qu'il (elle) ait été opéré(e) ou (et) qu'il (elle) suive un traitement hormonal, en quelque sorte que les deux identités, psychique et biologique, se marient. « De ce fait, on lie le juridique au médical et c'est inacceptable, dénonce l'avocate. C'est contraire à la convention européenne ». Une avocate qui rappelle au passage que la député de Gironde, Michèle Delaunay, aujourd'hui ministre, avait déposé en décembre dernier une proposition de loi visant à ce que cette procédure de changement de la mention du sexe dans l'état civil, soit « affranchie d'une quelconque obligation d'un parcours médical ». Traduisez : nul besoin de subir une opération pour obtenir satisfaction devant la loi.
L'Agenais qui se présentera ce matin devant le juge est une personne qui a « toute l'apparence d'une femme, qui s'habille comme telle et ainsi perçue sur son lieu de travail par ses collègues », précise son conseil, qui reste bien évidemment parfaitement discrète sur son identité… civile. « Mais une personne qui est chaque jour sous le risque de voir son identité biologique révélée s'il devait par exemple être tenu à présenter tel ou tel document administratif. Une position aussi douloureuse qu'inextricable ».
La décision du juge du TGI sera de toute évidence mise en délibéré. Et si elle était favorable, le parquet pourrait toujours faire appel. Si tel était le cas, l'intéressé et son défenseur n'ont pas l'intention de lâcher l'affaire, mettant probablement quelques espoirs, à tort ou à raison, dans une « nouvelle appréhension » de ces questions de société par le nouveau pouvoir de gauche.

http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/24/1361056-homme-ou-femme-la-justice-tranchera.html

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