vendredi 25 mai 2012

La mort au milieu de la ligne droite

Le tribunal d'Amiens examinait mercredi un terrible accident de la circulation qui a fait un mort et un blessé grave, le 8 mai 2010 à Tilloy-les-Conty.

C'est un grand jour que ce 8 mai 2010 pour Ludwig et Clémence. Ils ne se sont rencontrés que le 30 mars, mais le courant est vite passé.

C'est à ce point sérieux que ce soir, Ludwig doit présenter Clémence à ses parents, une formalité d'un autre temps, diront certains, mais que ce jeune homme sage tient à respecter.

On ne partira pas avant 21 heures. Ludwig, titulaire d'une licence de Lettres, est inscrit en Socio mais il faut bien se débrouiller. Alors il travaille à la gare d'Amiens, au relais H, où celui qui rêve d'intégrer l'école de Tours et de devenir journaliste vend quotidiens et revues aux voyageurs pressés.

En ce jour férié, il travaille de 15 à 21 heures. Alors peuvent le rejoindre sa petite amie, inscrite et Arts plastiques à l'université de Picardie, et son copain d'enfance, Pierre. Ils ont 20 ans. La nuit leur appartient. Après la soirée chez les parents, ils doivent sortir en boîte à Beauvais.

a couleur framboise de la Toyota Avensis n'est pas celle qu'aurait choisie Ludwig mais qu'importe, puisque papa et maman ont le bon goût de la lui laisser à disposition.

Tant pis aussi s'il faut, quatre à cinq fois par semaine, emprunter la peu engageante départementale 210, qui trace plein sud en direction de l'Oise pour passer pile entre Poix et Ailly. On arrive ainsi directement à Catheux, le lieu de résidence de Ludwig, à 25 kilomètres d'Amiens.

Face à la berline japonaise, Clémence et Pierre se font des politesses. Une logique un peu machiste voudrait que l'homme s'installe à l'avant. Clémence a déjà ouvert la portière arrière mais Pierre insiste : il sait à quel point le jeune couple sera content de se retrouver côte à côte. Comme des grands...

On se parle peu dans l'habitacle. La fatigue de la journée fait effet. Le jour décline. Soudain, dans une ligne droite près de Tilloy-les-Conty, au lieu-dit Le Pont d'Amiens, Clémence sent que la voiture chasse de l'arrière.

Les gendarmes pointeront un dévers de cinq centimètres entre la chaussée et l'accotement. Ludwig, qui n'a pas bu une goutte ni fumé une taffe, tente de rattraper le coup. Il braque à gauche et cogne le seul obstacle dans toute la plaine : une pile de pont qui fait littéralement exploser la voiture.


Les deux morceaux de la voiture séparés de quarante mètres


«À 21 h 45, j'ai entendu comme une bombe qui explosait », se souvient un témoin, pourtant situé à un kilomètre du choc. C'est lui qui trouvera l'épave, le conducteur inconscient et Clémence en larmes lui murmurant «Ludwig, reviens, ne pars pas Ludwig ».

Elle indique qu'un troisième passager était du voyage. Horrifié, le témoin découvre l'autre moitié de la Toyota quarante mètres plus loin. Pierre porte toujours sa ceinture, dérisoire bannière dans un demi-habitacle fumant. Il est mort sur le coup.

Deux ans plus tard, l'affaire est venue devant le tribunal mercredi. Les parents de Pierre n'ont pas voulu porter plainte contre le meilleur ami de leur fils. Clémence s'est habillée tout en noir. Après le drame, elle a vécu encore quelques mois avec Ludwig puis l'a quitté. Lui ne se déplace qu'en fauteuil roulant. La moitié de son corps ne répond plus. Du 8 mai 2010, il n'a aucun souvenir.

Il est accusé d'homicide involontaire mais la procureur n'a rien requis contre lui. Les juges rendront leur délibéré le 27 juin.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/La-mort-au-milieu-de-la-ligne-droite

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