lundi 28 mai 2012

Un mois de prison avec sursis pour le déserteur bizuté sur la base d'Istres

La peine peut sembler minime. Benjamin Pisani a été condamné hier, par le tribunal des affaires militaires de Marseille, à un mois de prison avec sursis pour désertion. Le procureur Emmanuel Merlin avait demandé trois mois avec sursis.

"Il y a déjà un chiffre de 2 000 déserteurs par an avec cette jurisprudence habituelle. On ne peut pas laisser se développer ce phénomène-là", avait justifié le parquet. Une condamnation pour l'exemple. "Il ne suffit pas qu'un militaire ait envie de partir pour qu'il puisse partir. On s'est engagé, on va jusqu'au bout. Ce n'est pas être boulanger ou caissier."

Pourtant, l'ex-sergent Benjamin Pisani venait de se défendre avec des arguments forts. Ceux qu'il avait écrits dans sa demande la résiliation de son engagement de cinq ans avec l'armée, en mars 2011. "J'ai adressé un courrier à mon commandant d'unité où je disais que je ne voulais pas faire de scandale et que je voulais partir", relatait le jeune homme devant le tribunal.
"Ils voulaient nous faire peur"
D'abord d'une voix faible, puis avec plus de vigueur, Benjamin Pisani racontait alors, dans un long monologue, ce qu'il avait subi le 21 octobre 2009. Le jour de son arrivée sur la base aérienne d'Istres comme mécanicien de l'escadron de chasse 02.004 Limousin (rebaptisé depuis La Fayette). "On nous a donné le rôle de serveurs pour le pot de départ d'un adjudant. Le commandant d'escadron était là. On a servi, on a bu. Puis on a été pris à part mais j'ai tenu tête. J'ai été attaché, bâillonné, on a commencé à nous mettre des claques. Ils voulaient vraiment nous faire peur et nous réduire à l'état de disciples. Il y en a un qui a pris un manche à balai en souriant. Du style, si tu n'y as pas droit aujourd'hui, ce sera demain. J'ai compris que je n'avais pas le choix."

Il poursuivait : "Les choses se sont calmées. Mais ensuite ils nous ont emmenés dans une chambre et la seule chose dont je me souvienne, c'est qu'ils s'amusaient à pisser dans un seau et à le faire tourner."C'est cette douloureuse expérience qui aurait poussé le jeune sergent à partir, un an et demi plus tard. "Pourquoi ne pas en avoir parlé avant ?",
questionnait la présidente Lucie Chapus-Berard. "Personne ne vous écoute, rétorquait Benjamin Pisani. Et puis j'avais honte."

"Vous vous en êtes donc ouvert à votre parrain (soldat censé encadrer les recrues, Ndlr)", rappelait la présidente. "La hiérarchie était là quand on s'est fait bizuter, donc elle était au courant. On nous a convoqués et on nous a dit de ne pas en parler, mais je n'ai rien promis."
Parti fin juillet 2011 de la BA125 après avoir appris que sa demande de démission était refusée, Benjamin Pisani se cachera pendant six mois dans la région lyonnaise, jusqu'à sa radiation des cadres de l'armée. Pour le procureur Merlin, cette fuite était problématique : "C'est la première fois qu'on peut jauger de la personnalité de M. Pisani puisqu'il s'est caché comme un brigand en cavale. L'explication à son départ, on est allé la chercher nous-même." Et d'annoncer qu'une enquête était en cours sur la base d'Istres. "À son arrivée, il s'est passé des faits de bizutage, des faits délictuels."
"Ce sont des faits qui ne sont pas admissibles et qui recevront une suite pénale, reprenait le représentant du ministère public. Mais ces faits, quand même très graves, se sont déroulés en octobre 2009. Quel est donc le lien avec son départ ? Y en a-t-il un ?"
Après l'énoncé du jugement, Benjamin Pisani se disait "déçu" : "Je n'encourage pas vos enfants à s'engager dans l'armée." Avant de conclure : "S'il faut faire appel, on le fera. Mais je n'ai pas grand espoir."
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/un-mois-de-prison-avec-sursis-pour-le-deserteur-bizute-sur-la-base-distres

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