mardi 13 novembre 2012

Carmaux. Les vendeurs de faux parfums rattrapés par le fisc et la justice

«Cette activité était très rémunératrice, à tel point que moi-même je me suis demandée si je n'allais pas changer de métier.» L'avocate de la direction des services fiscaux ne manque pas d'humour. Si Me Joubier gardera sa robe d'avocate, au barreau de Paris, un couple de Carmausins a dû lui faire son deuil de cette activité de vente de parfums par correspondance dans laquelle «Madame» s'était lancée, en 1997, en créant sa micro-entreprise au Garric, avec le concours matériel de «Monsieur».
Celui-ci était seul hier, à la barre du tribunal correctionnel d'Albi, pour répondre de fraude fiscale, car son épouse est malade. On le serait pour moins que ça.
Entre le non-paiement de TVA (un rappel sur 3 ans estimé à quelque 160 000 euros) et l'omission de déclaration de revenus, «cela fait plus de 300 000 euros de manque à gagner pour la collectivité», estime l'avocate de la partie civile. «Les époux D. ont pris un risque, celui de voir l'administration fiscale frapper un jour à leur porte. C'est ce qu'il s'est passé et je pense que le vérificateur n'a pas été déçu.»

Parfums sans étiquette

Ce n'est pourtant pas le fisc qui a levé le lièvre, mais la gendarmerie. Durant l'été 2009, plusieurs centaines de flacons de parfum sans étiquette avaient été saisies dans un coffre de voiture dans le Gard. Le conducteur expliquait qu'il les avait achetés dans le Tarn «à bon prix». En tirant le fil, les gendarmes sont tombés sur une pelote beaucoup plus grosse que prévu. Le volet «contrefaçon» de l'affaire n'est pas encore jugé.
Avec plus de 400 000 euros de chiffre d'affaires annuel, la «micro-entreprise» de Joëlle (1) avait beaucoup grandi. «Il est évident que nous aurions dû changer le statut», reconnaît Didier (1), le mari à la barre. Il est tout aussi évident qu'ils auraient dû déclarer tous ces revenus au fisc… et s'acquitter de la TVA.
«Je ne pensais pas avoir gagné autant d'argent», expliquera benoîtement Joëlle aux gendarmes. Ses bénéfices auraient atteint 50 000 euros en 2009… année où le couple avait demandé un crédit d'impôt de 11 euros ! «La comptabilité n'était pas tenue. Les impôts ont dû reconstituer les recettes et les dépenses sur les trois exercices 2007, 2008 et 2009 pour avoir une idée du chiffre d'affaires. La mise en cause n'a pu produire que certains talons de chèques», rappelle la présidente Brigitte Schildknecht.

Définitivement ruinés

«Une fraude simple qui se doit bien sûr d'être sanctionnée», pour le procureur Pascal Suhard, qui remarque «tout de même que des efforts ont été faits». Ces efforts, Didier en parle : «On a débloqué 80 000 euros sur notre compte. On a vendu notre maison du Garric. Aujourd'hui, on est logés chez mes parents. Je ne vois pas ce que nous pouvons faire de plus car nous avons donné tout ce que nous avions».
Leur avocat, Me Laurent Boguet, compare ses clients à un personnage de roman, César Birotteau. «C'est Balzac qui disait qu'il ne faisait pas bon être parfumeur. Nous avons ici des parfumeurs d'occasion dont la difficulté va brutalement se révéler. Il s'agit de deux personnes totalement démunies par rapport aux obligations légales. C'est rare de rencontrer aujourd'hui des gens qui ont ce profil d'inconscience.»Un «laisser-aller coupable», dira leur avocat toulousain, qui a mené Joëlle et Didier à la ruine.
Hier, le tribunal les a condamnés à 6 mois de prison avec sursis et au paiement des droits et majorations fixés à l'issue du contrôle fiscal. Ce jugement devra faire l'objet d'une publicité avec parution dans un journal et affichage pendant 3 mois à la mairie de Carmaux.
(1) Les prénoms ont été changés.

http://www.ladepeche.fr/article/2012/11/09/1485115-carmaux-les-vendeurs-de-parfums-rattrapes-par-le-fisc-et-la-justice.html

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