jeudi 15 novembre 2012

Nice : l'amant infidèle éconduit se venge... trente ans après

Un homme a été condamné vendredi par le tribunal correctionnel de Nice pour avoir harcelé par courriers anonymes sa très ancienne petite amie.

Un poème où il est question d'amants qui se retrouvent dans l'au-delà, un écrit sur la pataphysique de Boris Vian, des photos pornographiques, des dessins satiriques sur le suicide au travail, des jeux de mots lourds de sens, tel « in(spectre)ice », ce sont les contenus de quelques-uns des vingt courriers anonymes reçus pendant un an et demi par une inspectrice du travail de Nice. Une femme respectée par les uns, redoutée par les autres, qui a consacré sa vie à« soulager la souffrance au travail » mais qui a bien failli finir détruite, comme ceux qu'elle défend, au terme d'un « grave épisode anxio-dépressif ».

C'était hier au tribunal correctionnel de Nice. A la barre des prévenus, un homme de 57 ans, Patrice Lion, répond de violences aggravées. Il lui en coûtera un an avec sursis. Sur le banc de la partie civile (1), l'inspectrice du travail, encore émue en évoquant ses souffrances, et toujours sous somnifères : entre décembre 2010 et avril 2012, époque des courriers du corbeau, elle a été contrainte à six arrêts de travail et a totalisé un record de 69 jours d'ITT ! Coût pour la Sécurité sociale : au moins 17 000 E...

L'inspection du travail ébranlée

Sans compter l'ambiance délétère qui s'en est suivie à l'inspection du travail de Nice. Ce qui a manqué de peu de déstabiliser cette administration, la désorganiser. Car le corbeau avait su, grâce à des renseignements glanés sur Internet, susciter des doutes, dans l'esprit de sa victime, sur ses propres collègues de travail ! « On en était venu à suspecter des collègues, des noms circulaient... », résume un témoin. Un autre : « Il fallait se mobiliser pour la rassurer, pour éviter un passage à l'acte : nos bureaux sont au 8e étage... »

« Le premier courrier ne m'a pas fait rire, je l'ai trouvé ridicule, assure la victime. Les autres étaient morbides, destructeurs. Nous nous étions connus sur les bancs de la fac de droit. J'avais 17 ans, il en avait 22. Mais au bout de quatre ans, il m'a trompée avec ma meilleure amie d'enfance : déjà, à 21 ans, il m'avait bien abîmée... »Vengeance après avoir été éconduit ?

« Je pensais la faire rire »

Regard et voix sévère, le président de la 6e chambre, David Hill, cherche à comprendre. « J'étais loin d'imaginer les conséquences, se défend Patrice Lion. J'étais convaincu de faire de l'humour, je pensais la faire rire avec ça : je suis lecteur de presse satirique depuis vingt ans... J'ai été maladroit dans ma tentative de renouer une relation avec elle. »

Pour la procureure, Julie Rouillard, la « maladresse » ne passe pas : « Il y a eu préméditation », lance-t-elle en évoquant les recherches du prévenu pour retrouver son ancienne amie. « Pourquoi, après trente ans sans contact avec elle, s'intéresse-t-il à la vie de la victime ? Il n'a pas eu le courage de simplement lui écrire. » Elle requiert cinq mois de prison avec sursis-mise à l'épreuve. Peine que le tribunal a augmentée : Patrice Lion a finalement été condamné à un an avec sursis-mise à l'épreuve pendant trois ans (obligation de se soigner, de ne plus rencontrer la victime ni de paraître dans les Alpes-Maritimes durant trois ans).

Pour son avocat, Me Julien Darras, « il n'aurait jamais agi ainsi s'il avait eu conscience des séquelles que cela pouvait entraîner ».

La question est bien là. Décrit par le psychiatre comme « paranoïaque, isolé, méfiant », avait-il une quelconque conscience de ses actes ? Rien n'est tranché.


1. Mes Emmanuel Pardo (victime) et Catherine Cottray-Lanfranchi (CPAM).
 

Aucun commentaire: