lundi 31 décembre 2012

Affaire de l'Amigo à Villeneuve-sur-Lot : deux amis se disputent le million

En tendant l'oreille attentivement, on perçoit le lointain écho de Francis Blanche s'écriant : « Touche pas au grisbi ! » Gageons que l'affaire de l'Amigo à Villeneuve-sur-Lot aurait peut-être nourri l'inspiration d'un Michel Audiard, d'un Denys de La Patellière ou d'un Georges Lautner. Là, sur le zinc du bistrot de l'Écrevisse, on jouerait, plutôt que les tontons, « les papys flingueurs » avec, dans les rôles-titres, deux vieux soldats des forces auxiliaires de l'armée française en Algérie et une paire d'avocats en guise de porte-flingue. Et, entre les deux camps, un gros paquet de pognon. Cent briques. Un million.
Un million, ça fâche

Voilà plus d'un an que la guerre est déclarée entre Cheik Guendouzi, 73 ans, et Messaoud Boudissa, 79 ans. Deux vieux potes de près de trente ans, des anciens de la harka, qui se disputent le million d'euros. Six zéros, cela pèse rien en math, mais c'est suffisamment lourd quand il s'agit d'argent pour écraser une longue et belle amitié. « Dans la vie, on partage toujours les emmerdes, jamais le pognon », qu'il disait Rocco (Jean-Paul Belmondo) à Marec (Lino Ventura) dans « 100 000 dollars au soleil ». Cheik Guendouzi, le patron de l'Écrevisse, dit, lui, qu'il s'est fait pincer la moitié du magot par son vieux copain Messaoud Boudissa. Un jour d'été de 2011, le 31 juillet exactement, celui-ci a eu un coup de chaud quand, sur l'écran du bistrot, il a vu apparaître tous les numéros du ticket qu'il avait à la pogne. La baraka. Le million tombe dans ses poches quelques jours plus tard quand il se radine à La Française des jeux pour toucher le pactole. C'est là qu'en quelque sorte pointent les divergences entre les deux vieux amis. Cheik Guendouzi assure qu'il a financé la mise de Messaoud Boudissa (20 euros) pour qu'il joue à ce jeu de tirage de l'Amigo (un nom très à propos en l'espèce). À ce titre, le bistrotier réclame de faire fifty-fifty. Ce que conteste son désormais ex-pote. Face au déchirement de cette amitié virile, ce sont donc les hommes de robe qui sont appelés à la rescousse. Les flingues à silencieux seront ici de marque Dalloz et Litec (NDLR : éditeurs des codes de justice).
Les premiers coups ont été échangés cette année, le 13 mars. Me Vayssière, pour le compte de Cheik Guendouzi, dégaine l'argumentation de « la société de participation » qui fait jurisprudence depuis notamment l'affaire du casino de Palavas-les-Flots. La morale de l'histoire : quand on joue avec l'argent des autres, on se doit de le partager. C'est ce qu'avait ordonné le tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier à un joueur de casino qui avait raflé 2 millions d'euros en misant l'argent que lui avait confié un tiers. On serait dans le même cas de figure à Villeneuve-sur-Lot.
Faux témoignages ?
Sauf qu'ici, Messaoud Boudissa nie avoir joué avec l'argent de son ancien camarade. Le 13 mars, Me Vayssière défouraille une nouvelle fois en produisant le témoignage de sept clients de l'Écrevisse attestant le prêt des 20 euros. En face, Me Martial, le conseil de Boudissa, voit là un panier de crabes. Il porte plainte pour faux témoignages quand, le 20 avril, le TGI d'Agen, après en avoir délibéré, se prononce en faveur de Cheik Guendouzi et ordonne le partage du magot. Soit 503 660, 28 €.
Cheik Guendouzi n'a toutefois pas le temps d'ouvrir un livret A que le camp d'en face réplique, classiquement, en faisant appel. L'argent reste au coffre de la justice, en vertu d'une saisie conservatoire. La semaine dernière, une nouvelle audience et empoignade était attendue devant la cour d'appel d'Agen, mais l'audience a été renvoyée en attendant le sort réservé à la plainte au pénal pour faux témoignages. Comme l'oseille, les flingues sont restés au chaud.

http://www.sudouest.fr/2012/12/27/touche-pas-au-grisbi-919069-3603.php

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